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Classique / Opéra - Critique

« Beatrice di Tenda », un Bellini politique selon Peter Sellars

« Beatrice di Tenda », un Bellini politique selon Peter Sellars - Critique sortie Classique / Opéra Paris Opéra Bastille
Beatrice di Tenda de Bellini mis en scène par Peter Sellars Crédit : Franck Ferville / OnP

OPERA BASTILLE

Publié le 12 février 2024 - N° 318

Les premiers pas très attendus – et engagés – de Peter Sellars dans le belcanto italien, avec l’entrée au répertoire de l’Opéra de Paris de Beatrice di Tenda, accouchent d’un spectacle un peu sommaire. Face à la fosse de Bastille, large pour la musique de Bellini, les sortilèges vocaux sont défendus par une distribution solide.

Avant-dernier opéra de Bellini qui n’a jamais connu le succès, Beatrice di Tenda s’inspire de la destinée tragique d’une figure historique de l’Italie des débuts de la Renaissance, qui fut torturée et décapitée sur ordre de son époux. De par son sujet, cet opus belcantiste a attiré depuis longtemps l’attention de Peter Sellars, qui le voit comme une sorte d’ubac de l’idéalisme du Fidelio de Beethoven – la libération politique prise dans les rets de la réalité des passions humaines. Dans le décor conçu par George Tsypin, le palais du duc de Milan Filippo Visconti devient une forteresse couleur d’acier par moments hantée de reflets, sous les lumières de James F. Ingalls qui, habillant de vert les formes métalliques, dessinent une sorte de jardin, avant de prendre l’allure d’une salle d’audience à l’heure de la sentence, tandis que l’incandescence du rouge rappelle la violence sanguinaire du pouvoir. La dénonciation de la tyrannie s’appuie sur une direction d’acteurs parfois attendue, sinon appuyée, entre les inévitables troupes de kalachnikovs et les stigmates très naturalistes de la torture sur Orombello et Beatrice.

Les voix d’abord

Dans cet appui un peu trop passif sur la scénographie, le second acte, plus tendu et plus inspirant pour le metteur en scène, révèle davantage de relief, à l’exemple de la mise en avant aussi simple qu’efficace des hésitations de Filippo sur le verdict à prendre tandis que retentissent les échos des partisans de son épouse. C’est d’ailleurs dans cette seconde moitié de la partition que se concentrent les innovations de Bellini, en écho aux évolutions de l’écriture lyrique dans les années 1830, avec de puissantes envolées chorales qui annoncent Verdi et une mort de l’héroïne digne des reines de Donizetti, contemporaines de Beatrice di Tenda. Sous la direction précise de Mark Wigglesworth, mais assez atone dans la vastitude de Bastille, la maîtrise technique et stylistique de Tamara Wilson dans le rôle-titre compense une voix sans grâce singulière. Le robuste Quinn Kelsey souligne l’autorité mordante de Filippo Visconti. L’élégiaque Orombello de Pene Pati contraste avec l’Anichino plus nerveux campé par son frère Amitai. Les interventions d’Agnese par Theresa Kronthaler et celles, bien présentes, du choeur préparé par Ching-Lien Wu complètent un spectacle qui vaut d’abord pour la redécouverte d’un ouvrage avec une nouvelle édition critique permettant de revenir aux intentions du compositeur.

Gilles Charlassier

 

A propos de l'événement

Beatrice di Tenda
du vendredi 9 février 2024 au jeudi 7 mars 2024
Opéra Bastille
Place de la Bastille 75012 Paris

à 19h30, le dimanche à 14h30. Durée : 3 heures avec 1 entracte. Tél. : 08 92 89 90 90.

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