Rodolphe Dana / Jouer collectif
Dix ans après Oncle Vania, le collectif les [...]
Siglée par le Prix impatience 2013, la proposition déculottée du jeune Laurent Bazin matte la pornographie… sans point de vue.
Tenter un spectacle sur la pornographie, le pari était risqué. Le thème sans doute émoustille et croustille al dente pour des cultureux en mal d’émotions fortes : une séance de peep-show « euphorique » qui « entremêle l’éloge plastique du genre pornographique et sa critique ». Ainsi formulé, avouez que ça en jette. Un spectacle cul nu mais tête bien faite ! « L’art n’est pas chaste… quand il est chaste, il n’est plus de l’art » disait d’ailleurs Picasso. Cherchant à bousculer les habitudes théâtrales qui finissent par moucher tout désir de créer, le jeune metteur en scène Laurent Bazin mène donc l’investigation, qu’il veut poétique et polémique, avec cinq comédiennes sacrément déculottées. Pour cela, il taille le sujet en petits bouts : attouchements nécrophiles poussés jusqu’à l’extase, démonstration anatomique drolatique, strip-tease à répétition, jeux sexuels brutaux, images à fleur de peau, délectations infantiles, casting de call-girls ou encore parodie de colloque intello… sans oublier la danse des « bubble butts » (larges trous du cul postiches), accessoires « ludico-trash » du porno. Les séquences s’enchaînent allègrement, effleurant quelques facettes de la question pornographique… sans jamais en entamer la surface.
Terriblement banal
Les comédiennes ne manquent pourtant pas de cran et assument sans fléchir les situations à positions multiples. Elles passent ainsi en revue désirs, fantasmes, exhibitionnisme ou exploitation sexuelle. Le spectacle heureusement échappe à l’exposition des corps joliment formatés selon la silhouette des poupées publicitaires qui désormais fixent la norme du beau donc du bien. Il dévoile la jouissance de la chair, les replis enfantins du plaisir, l’ambiguïté du racolage mercantile. Il n’évite cependant ni les poncifs esthétisants ni les citations, volontaires ou non, ici bien pâles aux côtés des puissantes visions que portaient les originaux. A force de papillonner d’une image à l’autre, l’ensemble reste superficiel, perd le sens dans la quête de l’effet… Loin de troubler la quiétude du spectateur, ce Bad Little Bubble B finit, en dépit de quelques scènes inventives et libertaires, par conforter les clichés du genre faute de point de vue.
Gwénola David
Jusqu’au 6 décembre 2014, à 21h sauf dimanche à 15h30, relâche lundi. Tél. : 01 44 95 98 21. Le CentQuatre, 5 rue Curial, 75019 Paris. Puis du 9 au 13 décembre. Tél. : 01 53 35 50 00. Durée : 1h10.
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