BONS BAISERS DE RUSSIE
Une série de concerts en hommage à Brigitte [...]
En mai, le jeune ensemble musical Le Balcon inaugure sa résidence à l’Athénée avec Ariadne auf Naxos. Benjamin Lazar en a conçu la version de concert avec Maxime Pascal et Alphonse Cemin. A la fin du mois, le metteur en scène reprend, en compagnie de l’ensemble La Rêveuse (Florence Bolton et Benjamin Perrot), son adaptation du premier roman français de science-fiction où son auteur, l’impie Cyrano de Bergerac, apparaît dans toute sa verve philosophique et créative.
Accroche : « La direction d’acteurs est pensée intimement avec la musique. »
Comment avez-vous rencontré les membres du Balcon ?
Benjamin Lazar : Le chef Geoffroy Jourdain m’avait parlé de ce groupe de jeunes musiciens concevant leurs projets de manière très originale, et le directeur du Théâtre de l’Athénée Patrice Martinet a pensé nous mettre en relation. L’œuvre qu’ils ont choisie m’intéresse en tant que telle, autant que leur démarche, car je suis toujours curieux quand l’approche de l’opéra sort des sentiers battus, et tâche d’effacer les a priori intimidants. Ariadne auf Naxos est toujours jouée dans de très grandes salles : investir l’intimité de l’Athénée offre un accès très privilégié à cette œuvre. Quand les voix doivent se déployer dans de grands volumes, on peut passer à côté de certaines subtilités d’écriture de Strauss. Avec le directeur de chant et le directeur musical, nous avons fait un travail très précis pour que les places des chanteurs soient signifiantes par rapport à la musique. D’où cette version de concert à trois têtes, où la direction d’acteurs est pensée intimement avec la musique, pour montrer comment elle anime en profondeur le corps des chanteurs.
Comment réussir à montrer cela ?
B. L. : Ariadne auf Naxos est un opéra du début du XXème siècle qui regarde l’époque baroque. Il raconte l’histoire d’un compositeur et d’une troupe au XVIIIème siècle. J’ai beaucoup travaillé sur l’opéra seria et l’opéra baroque, j’apporte donc cette expérience en abordant l’œuvre de Strauss. Ce qui est intéressant, dans le dispositif à mettre en place, tient au fait que, chez Strauss, l’orchestre englobe les voix comme si elles nageaient sur l’océan de la musique, et qu’il y a des liens très précis entre les instruments et les personnages : Ariane et l’harmonium, Zerbinette et le piano, etc. Un peu comme un Pierre et le loup, en moins didactique ! Le spectateur le perçoit sans le voir, quand l’orchestre est en fosse ; mais là, nous avons la possibilité de le rendre visible. Les trente-cinq instrumentistes vont être étagés depuis le haut de la scène jusqu’au parterre devant les spectateurs. Les chanteurs sont parmi les instrumentistes, circulant entre eux et dialoguant avec eux. Dans la première partie, tout tourne autour du personnage du compositeur, passionné et emporté, comme enfermé dans sa propre œuvre. La deuxième partie offre de grands airs, ceux d’Ariane bien sûr, mais aussi les virtuoses vocalises de Zerbinette, interprétée par Julie Fuchs. C’est une musique très fiévreuse, qui sollicite le chanteur d’une manière très physique et spirituelle
Après Ariadne auf Naxos, vous reprenez L’autre Monde ou les Etats et empires de la lune.
B. L. : Depuis 2008, année de la création de sa version définitive à l’Athénée, le spectacle n’a pas arrêté de tourner. Il n’y a eu depuis que deux dates parisiennes à la Cité de la Musique, et Patrice Martinet, la Rêveuse et moi-même avions très envie de le jouer à nouveau à Paris sur une longue période. Cette reprise est aussi l’occasion de réaliser un DVD, qui paraîtra par la suite.
Comment expliquer que ce vieux fou de Cyrano connaisse un tel succès ?
B. L. : Parce que je crois qu’il apparaît plutôt comme un jeune fou ! Il y a quelque chose d’extrêmement vivant, original et vivace dans sa pensée : autant dans sa façon de mener la narration que dans sa remise en cause de toutes les idées reçues. La séduction opère, car, alors que l’on pense découvrir quelque chose d’ancien, on se retrouve à converser avec un être profondément original. Le spectacle opère donc un double mouvement : il est à la fois un voyage et un éloignement de la vie quotidienne, et la rencontre d’une pensée moderne. Les spectateurs connaissent le personnage par la pièce d’Edmond Rostand. Mais, dans ce spectacle, ils découvrent qu’il y a quelqu’un derrière ce nom, et, derrière le « panache », un auteur et un personnage en fin de compte encore plus intéressants !
Propos recueillis par Catherine Robert
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