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Théâtre - Critique

Antigone 82, Jean-Paul Wenzel met en scène Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon

Antigone 82, Jean-Paul Wenzel met en scène Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Epée de bois
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d’après Sorj Chalandon / mes Jean-Paul Wenzel

Publié le 13 janvier 2019 - N° 272

Jean-Paul Wenzel met en scène Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon qu’il a adapté sous le titre d’Antigone 82. Une restitution fidèle de la langue et des enjeux du texte, mais qui n’atteint pas la force du roman.

On comprend que Jean-Paul Wenzel ait ressenti le besoin de monter Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon. Lui qui a beaucoup travaillé sur la guerre ne pouvait qu’être sensible à ce roman magistral, édité chez Grasset et prix Goncourt des lycéens 2013. Un texte puissant qui fouille avec une rare intensité la guerre du Liban. L’histoire commence avec Samuel, un Juif grec exilé à Paris pendant la dictature des colonels. Il y devient ami avec George, un metteur en scène amateur, à qui il fait promettre un jour, alors qu’il est atteint d’un cancer, de réaliser son idée « belle et folle » : celle de monter l’Antigone d’Anouilh à Beyrouth, en pleine guerre civile, avec une troupe de fortune composée d’acteurs de chaque camp. Deux heures de paix, le temps d’une représentation. Et Georges accepte, peu concerné d’abord, puis passionné par ce projet. Malgré femme et enfant, il part pour Beyrouth, rencontre Marwan, le chauffeur druze, puis tous ses comédiens : Imane/Antigone, la Palestinienne, Charbel/Créon, le chrétien maronite, Khadijah/Eurydice, la Chiite, etc. Bien sûr, la belle aventure théâtrale n’aboutira pas. La guerre est trop forte, jusqu’à s’immiscer là où on ne l’attendait pas. Dans la vie de Georges, qu’elle détruit, rendant impossible son existence à Paris en temps de paix. Une contradiction et une absurdité de plus.

Un dispositif trifrontal au service des scènes chorales

Jean-Paul Wenzel et Arlette Namiand restituent avec une grande fidélité l’écriture et le récit, en en conservant la chronologie et les points forts : les rencontres décisives à la fac de Jussieu, la paternité de Georges, la découverte du Liban, les frictions initiales entre les comédiens, le choc de Sabra et Chatila, etc. Cette fidélité autorise qui n’aurait pas lu le livre de Sorj Chalandon à comprendre le contexte historique et le cheminement de Georges jusqu’au vacillement de sa raison. Mais elle échoue à égaler le roman. Là où celui-ci, déployé sur 10 ans, permet d’installer les personnages et le temps, la pièce, contrainte à de nombreuses ellipses, va trop vite pour recréer l’émotion du livre – on pense notamment à cette longue nuit que Georges se donne pour devenir père, assis dans un wagon abandonné, ici traitée trop brièvement pour toucher. Plus réussis sont le parti pris d’épure (aussi nécessaire qu’efficace dans le théâtre de pierre de l’Épée de bois) et le dispositif trifrontal retenu par Jean-Paul Wenzel. Outre la proximité évidente avec le public, cette scénographie permet de plonger dans l’effervescence des débats militants des années 80 ou dans la fébrilité des répétitions, bref, de donner de la chair aux scènes chorales. Qui constituent au fond le cœur du texte : la tentative de fraternité d’une poignée d’hommes et de femmes dans une guerre qui broie tout sur son passage.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Antigone 82
du jeudi 10 janvier 2019 au dimanche 3 février 2019
Théâtre de l'Epée de bois
La Cartoucherie. Route du champ de manœuvre, 75012 Paris.

Du jeudi au samedi à 20h30, samedi et dimanche à 16h. Tél. : 01 48 08 39 74. Durée : 1h50.

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