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Danse - Entretien

Angelin Preljocaj crée Le Lac des cygnes

Angelin Preljocaj crée Le Lac des cygnes - Critique sortie Danse Clermont-Ferrand La Comédie de Clermont-Ferrand
Crédit : Jean-Claude Carbonne Le Lac des cygnes en répétition ouverte au public au Théâtre de l'Archevêché, Aix-en-Provence en juillet 2020

Chor. Angelin Preljocaj / Mus. Piotr I. Tchaïkovski

Publié le 2 octobre 2020 - N° 287

Angelin Preljocaj crée l’événement danse de la rentrée en proposant sa version d’une œuvre essentielle du patrimoine de la danse classique, Le Lac des cygnes. Nous l’avons rencontré.

En tant que chorégraphe contemporain, que représente le Lac des cygnes pour vous ?

Angelin Preljocaj : Pour moi c’est un Everest, un monument de la danse. S’y attaquer est un vrai défi, et le vivre de façon tout à fait imprévue, en plein COVID, ajoute encore du stress à cette création.

Que gardez-vous du ballet original de Marius Petipa et Levg Ivanov sur la musique de Piotr Illitch Tchaïkovski ?

A.P. : Je garde la trame amoureuse, le conte ensorcelant, lié à la transformation d’une femme en cygne. Par contre, je modifie tout à fait la place des parents. Dans, la plupart des versions du Lac des cygnes, ils sont plutôt des personnages potiches, ils ne dansent pas ou peu, jouent un rôle protocolaire. Cette fois, ils sont très importants, dansent beaucoup, car ils ont une incidence sur les relations des protagonistes. Le père de Siegfried est un homme assez tyrannique, porté sur les abus de pouvoir. Sa mère est plutôt protectrice, un peu en écho à l’univers de Proust. D’ailleurs, il est assez amusant de constater que A la Recherche du temps perdu met en scène Swan et sa maîtresse Odette ! J’ai l’impression que Proust était assez proche du Lac des cygnes… Rothbart est toujours là, c’est un sorcier à ses heures, un personnage très ambigu. Il n’est pas seulement magicien, il a d’autres fonctions sociales. Il peut représenter des hommes d’affaires ou des industriels exploiteurs, qui peuvent être néfastes à nos sociétés. Le père de Siegfried est un peu dans le même profil sans être magicien. On dirait qu’il se trame une sorte de plan, de complot entre eux.

Y verriez-vous une forme de marchandisation des corps ? Car d’une certaine façon, dans le livret original déjà,  Rothbart utilise sa fille à des fins délétères…

A.P. : C’est exactement ça ! En réalité le père et Rothbart se mettent d’accord pour marier le fils à la fille, pour faire fructifier le patrimoine.

« C’est peut-être le meilleur hommage à rendre à Marius Petipa que d’entrer dans son processus créatif, de réinventer les choses. »

Gardez-vous la partition de Tchaïkovski  ?

A.P. : Je garde  90% de Tchaïkovski dont 90% sont issus du Lac des cygnes, et 10% d’autres œuvres du même compositeur. Je n’ai pas conservé toute la musique du Lac des cygnes, qui dure trois heures, et comme j’avais envie de raconter des choses qui ne sont pas dans le livret original, j’ai recherché d’autres éléments et j’ai redécouvert Tchaïkovski. J’ai ainsi exploré les symphonies, les œuvres pour orchestre. La base, le socle musical, demeurent Le Lac, complété par des extraits du concerto pour violon, d’ouvertures, de symphonies…

Pourra-t-on retrouver des éléments issus de la chorégraphie de Petipa/Ivanov ?

A.P. : J’ai trouvé  intéressant de m’appuyer sur certains traits chorégraphiques, comme pour un palimpseste. Comme si j’arrivais sur un Oppidum et que sur ces traces de constructions anciennes je bâtissais  une nouvelle ville. Pour certaines parties, justement dans l’acte blanc, je me suis beaucoup amusé.  Ce sont des moments démonstratifs tout à fait jubilatoires, que j’ai conservés comme des petits numéros et que j’ai essayé de me réapproprier. En vérité, la chorégraphie n’est pas du tout d’après Marius Petipa, car je l’ai entièrement réécrite. Ce n’est donc pas un remaniement, structurellement et  fondamentalement c’est une chorégraphie originale. C’est peut-être le meilleur hommage à rendre à Marius Petipa que d’entrer dans son processus créatif, de réinventer les choses.

Odette/Odile, c’est-à-dire le cygne blanc et le cygne noir, seront-ils réunis en un seul rôle comme dans la version classique actuelle  ?

A.P. : A l’heure actuelle, oui. Mais c’est un rôle difficile qui requiert des qualités opposées, en terme de virtuosité, d’interprétation, et il faut vraiment un travail intense pour trouver l’équilibre dans les deux personnages, sans rien céder sur l’exigence nécessaire. Après, si jamais ça ne fonctionne pas, je réintroduirais deux danseuses.Pour atteindre la puissance totale de ce conte, cela a du sens de mettre en scène deux femmes différentes.

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Angelin Preljocaj crée Le Lac des cygnes
du mercredi 7 octobre 2020 au mercredi 14 octobre 2020
La Comédie de Clermont-Ferrand
69, bd François-Mitterrand 63000 Clermont-Ferrand.

Du 7 au 14 octobre. Mer. 7, jeu. 8, ven. 9, lun. 12, mar. 13, mer. 14 à 20h Sam.10 à 17h. Tél. : 04 43 55 43 43. Durée 1 heure 30

Egalement : Du 27 au 31 octobre : Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence,  12 décembre 2020 au 21 janvier 2021 Chaillot - Théâtre national de la Danse, Paris, 26 et 27 janvier La Faïencerie de Creil,  30 janvier Palais des Festivals de Cannes, 2 et 3 février L’Archipel, Perpignan, 6 et 7 février Le Forum de Fréjus, 11 et 12 février 2021 Opéra de Massy, 23 et 24 février Théâtre Olympia, Arcachon,  du 27 mai au 3 juin Biennale de la danse de Lyon, Maison de la danse, Lyon

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