Reprise de « La Campagne » de Martin Crimp dans la brillante mise en scène de Sylvain Maurice
Le metteur en scène Sylvain Maurice nous [...]
Sarah M. continue son exploration théâtrale des méandres de l’Histoire en imaginant un conte, dans lequel la nuit du tombeau est éclairée par la lumière qui guide les justes. Puissant et poignant.
Il était une fois. Telle est la formule magique qui permet d’ordonner l’insensé de la geste humaine et donne un sens à la cacophonie des événements et à l’absurdité des catastrophes. Peu importe que le mythe soit faux : « ce que dit le conte est vrai de ce que le conte dit que ce que dit le conte est vrai », remarque le malicieux Jacques Roubaud. Amnesia commence comme une cérémonie qui dépouille la réalité de ses oripeaux sordides. Les comédiens deviennent ce qu’ils ne sont pas : des personnages merveilleux, héroïques ou divins, dont les aventures extraordinaires consolent d’être ordinaires ceux qui les écoutent. À l’instar du mythe, le récit adopte une forme complexe : il laisse en suspens, s’interrompt, répète, reproduisant l’hétérogénéité apparente de sa matière, mais aussi sa logique profonde, de l’horreur d’un crime entre frères aux raisons de la discorde. Abel et Caïn, Etéocle et Polynice, Seth et Osiris, mais aussi Richard III ou Atrée, qui s’en prennent aux enfants de leurs doubles, constituant les bases narcissiques de leur moi, pour pouvoir enfin entrer en rivalité avec tous les autres. Les personnages imaginés par Sarah M. s’inscrivent dans cette lignée maudite de ceux qui ne savent aimer et s’affirmer qu’en tuant.
Combat du clair et de l’obscur
Dans un décor où Guillaume Tesson fait naître de beaux effets caravagesques, entre lumière dramatique et réalisme exacerbé, la violence froide et la cruauté cynique alternent avec la douleur indicible des corps meurtris par la torture et le chagrin. Les comédiens (Sofiane Bennani, Julien Breda, Hayet Darwich, Hnia El Amrani, Sarah M. et Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre) sont bouleversants. Toujours justes et mesurés, ils disent, avec une même pureté dans l’expression, l’indignation, le désespoir, la souffrance, la vilénie reptilienne, la noirceur du calcul politique, la résignation de l’héroïsme sacrifié, l’incompréhension des victimes innocentes. Sur la bâche du sacrifice ou la cendrée du combat, les corps s’affrontent, les idéaux défient la peur, le désir de justice se dresse contre ceux qui préfèrent la vie à la liberté. L’intrigue s’éclaire progressivement, du fond de scène de l’assassinat ténébreux jusqu’à l’avant-scène lumineux, où l’homme juste expose les raisons de son engagement, qui sont aussi celles de sa défaite. La tragédie est totale, puisqu’elle commence par la mort et par un baiser atroce donné à la victime par son bourreau ; mais elle n’est pas complètement sans issue, puisque la possibilité du pardon et de l’amour est ouverte à la fin. Si les hommes se plaisent à voir raconter au théâtre ce que la réalité de leur condition peut produire de pire, c’est peut-être parce que « les chagrins, quels qu’ils soient, deviennent supportables si on les met en récit ou si l’on en tire une histoire », comme le disait Karen Blixen. À cet égard, Sarah M. compose un mémorial, par lequel l’art convainc l’humain que sa grandeur est aussi dans la reconnaissance de ses échecs et la conscience de ses égarements.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h45.
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