Seul dans Berlin ?
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Le Grand Prix de littérature dramatique 2013 a été attribué à Alexandra Badea pour Pulvérisés, publié chez L’Arche Editeur. Ce texte décortique, à quatre voix, les rouages et les ravages intimes de la mondialisation. Aurélie Guillet et Jacques Nichet en créent la mise en scène : représentations à Strasbourg en février et à Aubervilliers en mars.
Comment Pulvérisés s’inscrit-il dans l’ensemble de votre œuvre ?
Alexandra Badea : Pulvérisés marque un virage dans mon écriture, d’une part sur la démarche : c’est un texte nourri d’un long travail de documentation, d’autre part sur la forme, plus radicale que celle des autres pièces. J’ai continué de développer cette forme dans les textes d’après. Actuellement, après avoir fini mon premier roman, Zone d’amour prioritaire, qui sortira en février, mon écriture bouge encore vers un autre registre.
« Ce qui m’intéresse au théâtre, c’est d’entrer dans le monologue intérieur du personnage. »
Les quatre personnages sont pulvérisés par le système économique mondial. Qu’avez-vous voulu montrer, voire dénoncer ?
A. B. : Il ne s’agit pas de dénoncer la cruauté du système économique mondial, mais de saisir l’endroit où ce système rend impossible la vie des gens, et quels sont ses rouages. Ce qui m’intéresse au théâtre, c’est d’entrer dans le monologue intérieur du personnage. Le dialogue est pour moi prétexte à déclencher la parole intime, qui ne se fait pas entendre, la partie cachée des individus. Porter une parole qui n’est pas souvent entendue dans l’espace public pour provoquer une réflexion. Ces personnages sont à la fois complices et victimes, comme nous tous. C’est seulement en sortant d’un système de pensée binaire qu’on pourra changer quelque chose dans le monde actuel. On est tous responsables de la dégradation et la violence des relations humaines. Je crois qu’on a encore la liberté de dire non, c’est difficile, mais il faudra trouver la manière de le faire.
Comment vous inscrivez-vous dans le paysage théâtral contemporain ?
A. B. : Longtemps on m’a reproché de faire un théâtre trop violent et politique, que la forme de mon écriture n’était pas très facile : aujourd’hui, surtout après avoir reçu le prix du CNT, j’ai l’impression que cette voix que je m’obstine à défendre a sa place dans paysage théâtral français.
Propos recueillis par Catherine Robert