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Dans le sillage de son théâtre d’une élégante délicatesse où le vécu se teinte d’onirisme, Alain Batis crée une pièce de l’auteur norvégien Tarjei Vesaas (1897-1970). Une errance nocturne autour de l’adolescence et du sentiment amoureux. Une partition sensorielle où s’entrelacent tous les effets du théâtre, au creux d’une forêt. Une première en France.
Quel cheminement vous a conduit à mettre en scène l’écriture de Tarjei Vesaas ?
Alain Batis : J’ai découvert la pièce dans une librairie, publiée aux éditions La Barque, dans un ouvrage qui présente aussi en tête-bêche Ultimatum, une fiction qui se tient à l’aube d’une déclaration de guerre. Avant cela, je connaissais peu l’auteur et n’avais jamais vu de mises en scène de ses textes, telles notamment Brume de Dieu d’après Les Oiseaux ou La Barque le soir par Claude Régy. Ce récit m’a profondément touché : l’écriture de Tarjei Vesaas nous plonge dans un trouble vertigineux malgré son apparente simplicité, nous emporte vers l’inconnu, vers l’inexprimé. Tarjei Vesaas est un grand auteur de l’ineffable, dont le nom fut pressenti pour recevoir le prix Nobel l’année de sa mort, en 1970. La pièce raconte avec une incroyable justesse les émois de l’adolescence. Une nuit lors de la fête du printemps, à l’occasion d’un bal, la jeune Valborg quitte la fête après avoir dansé avec Per. Son ami d’enfance Björn la rejoint et souhaite l’accompagner, mais elle désire rester seule dans la forêt. Puis Valborg rencontre Siss, personnage mystérieux, quasi mythologique, presque magique, qui immobile sous un sapin attend quelqu’un. Kari, une autre amoureuse, rêve à Knut. Dans ce tissu de relations, l’essentiel n’est pas dans ce qui est dit, mais dans les tumultes intérieurs, dans l’intériorité des êtres.
Comment la mise en scène se saisit-elle de ce trouble, de cette matière silencieuse ?
A.B. : Le texte a longuement infusé en moi. Il faut savoir se laisser surprendre, ce qui signifie un certain inconfort, mais fait émerger quelque chose de palpitant, quelque chose qui bouge, fluctue, se transforme. Les personnages suivent un cheminement intérieur. « Quand on marche avec toi, Valborg, on ne sait jamais ce qui peut arriver » dit l’un des personnages. C’est en effet ce risque de l’existence, cette absence de certitude qui habitent leurs pas. La mise en scène laisse sourdre ce qui émane au-delà des mots, dans une quête de transparence, de nudité dans le jeu, qui fait écho à l’extrême délicatesse de la langue et la composition. Tous les corps sont en alerte par rapport à ce qu’ils peuvent éprouver, dans un état émotionnel intense, et en même temps dans une grande pudeur, avant qu’advienne une forme de délivrance, de dévoilement. Il ne faut surtout pas faire de théâtre, le jeu vient de l’intérieur, de l’indicible en soi. Les interprètes laissent grandir en eux cette part mystérieuse, sans la chercher, en la laissant advenir.
Qui sont ces jeunes interprètes ?
A.B. : Ils sont issus du conservatoire de Metz-Nancy. La compagnie est implantée à Metz, et il y a longtemps que j’avais envie de mettre en place un projet durable avec des jeunes de la région. J’ai initié des laboratoires de recherche avec une quinzaine de jeunes comédiens et comédiennes, avant de constituer cette très belle distribution : Victoria Fagot, Mélina Fagot, Romane Wicker et Yann Malpertu. Ils sont accompagnés par le musicien Guillaume Jullien, qui crée une partition empreinte d’onirisme. Je continue à créer avec mes collaborateurs proches, Sandrine Lamblin pour la scénographie, Jean-Bernard Scotto pour les costumes et Nicolas Gros pour la lumière. Et en début de parcours, j’ai travaillé avec toute l’équipe sur ce que j’appelle des pierres blanches, qui font suite à leur traversée de l’œuvre. Ce peut être des choses palpables ou impalpables – une musique, un texte, une matière, un souvenir…–, qui résonnent avec le texte, qui ouvrent l’imaginaire, qui se déposent et créent le terreau de la création, avec sa texture, sa saveur.
Comment le rapport à la nature se traduit-il dans votre mise en scène ?
A.B. : Le lien à la nature, quasi fusionnel, est très beau dans la pièce. Nous avons beaucoup travaillé le rapport à la bruine, à cette bruine suspendue dans la nuit comme un filtre d’amour qui agit mystérieusement. C’est presque comme un songe shakespearien ! Le naturel et le symbolique se mêlent dans le spectacle. Il y a des arbres suspendus, des matières végétales sur le sol, un jeu d’ombres et lumières, des sons de la nature… J’ai aussi imaginé une forme pour l’extérieur, dans un espace de sous-bois. La dimension sensorielle voire méditative est essentielle dans cette pièce. Tarjei Vesaas est un grand poète, qui laisse respirer le mystère et le silence.
Propos recueillis par Agnès Santi
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