La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Affabulazione

Affabulazione - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de la Colline.
Le metteur en scène et comédien Stanislas Nordey. Crédit : Benoît Linder

Entretien / Stanislas Nordey / Théâtre national de la Colline / de Pier Paolo Pasolini / mes Stanislas Nordey

Publié le 11 mai 2015 - N° 232

Après Bête de Style (1991), Calderon (1993), Pylade (1994) et Porcherie (1999), le comédien et metteur en scène Stanislas Nordey revient à l’écriture de Pier Paolo Pasolini avec Affabulazione

Quel lien vous unit à l’écriture de Pier Paolo Pasolini ?

Stanislas Nordey : D’abord, il faut rappeler que je suis né au théâtre, en tant que metteur en scène, par Pasolini. La découverte de Bête de style, quand j’étais au conservatoire, m’a ouvert la porte de ce que je voulais investir sur scène. Pour moi, la force de Pasolini réside dans le fait qu’il est profondément ancré dans le passé, dans la tradition – son théâtre est directement lié au théâtre antique – et qu’en même temps – par le vers libre, par le regard qu’il porte sur le monde d’aujourd’hui – il se positionne résolument dans le présent. C’est une chose assez rare. D’une certaine façon, il est « l’auteur générique » du théâtre que j’ai envie de mettre en scène : un théâtre à la fois ouvert sur le public, qui, comme le théâtre antique, s’adresse à une grande assemblée, et porteur d’une exigence, d’une âpreté. Cette exigence et cette âpreté sont d’ailleurs, pour moi, la meilleure façon de respecter le public.

Qu’entendez-vous par là ?

St. N. : Je veux dire que le théâtre de Pasolini ne mâche pas le travail aux spectateurs. Il leur demande d’être mobilisés. Pour autant, il ne s’agit pas d’un théâtre difficile. Même si, bien sûr, chacune de ses pièces est traversée par des réflexions très profondes. Affabulazione pose la question de la transmission, de la relation entre les pères et les fils, de l’articulation entre la vie privée et la vie publique. Cette pièce nous interroge aussi sur ce que c’est que de se déprendre du pourvoir. Tout cela en révélant un lien fort entre le poétique et le politique.

«  Affabulazione pose la question de la transmission, de la relation entre les pères et les fils. »

De 1991, date à laquelle vous avez mis en scène Bête de Style, à aujourd’hui, quel trajet avez-vous l’impression d’avoir effectué à l’intérieur de l’œuvre de Pasolini ?

St. N. : Ce qui me frappe le plus, c’est que lorsque j’ai commencé à faire du théâtre, j’étais d’une certaine manière un fils de Pasolini. Aujourd’hui, j’ai l’âge qu’il avait lorsqu’il a écrit ses pièces de théâtre, ce qui implique une énorme différence dans la compréhension de son œuvre. Par rapport à toute une génération de jeunes metteurs en scène, je suis à mon tour en train d’accéder à quelque chose de lié à un statut de père. Je vis cela très joyeusement, car la transmission est une chose qui m’a toujours passionné. Curieusement, 25 ans après avoir abordé pour la première fois le théâtre de Pasolini, il m’apparaît aujourd’hui à la fois plus facile et plus difficile, plus clair et plus opaque. C’est une impression très étrange.

Quelles sont les choses que vous ne voyiez pas il y a 25 ans ?

St. N. : Par exemple, la mélancolie de Pasolini – qui assiste, lorsqu’il écrit son théâtre, entre 45 et 50 ans, à la disparition du temps du fils et à l’apparition du temps du père – est quelque chose que je ne percevais pas à l’époque. Et puis, il y a 20 ans, j’étais plus radical dans ma façon de mettre en scène ses textes, plus proche des indications du Manifeste pour un nouveau théâtre dans lequel Pasolini expliquait qu’il souhaitait que ses œuvres ne soient quasiment pas mises en scène, qu’il n’y ait pour ainsi dire pas de décor, pas de lumières… Or ma mise en scène d’Affabulazione est plus opératique, moins brute, plus picturale que mes précédentes créations de pièces de Pasolini. Aujourd’hui, j’ose prendre une distance par rapport à la façon dont il souhaitait voir ses pièces représentées. On pourrait presque dire que ma mise en scène d’Affabulazione est viscontienne, ce qui est vraiment une grosse trahison pour une pièce de Pasolini ! Mais cette trahison a été, pour moi, une façon d’aller vers ce que je crois être juste.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

 

A propos de l'événement

Affabulazione
du mardi 12 mai 2015 au samedi 6 juin 2015
Théâtre national de la Colline.
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30. Durée : 2h10. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr.

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