Une chenille dans le cœur

A travers cette fable humaniste de Stéphane Jaubertie, la compagnie Troupuscule Théâtre explore les thèmes de la différence et du regard de l’autre, qu’elle a déjà explorés dans ses oeuvres précédentes – Le Boxeur de Patric Saucier ou Le Sourire de la morte d’André Ducharme. Pour la première fois, la magie et le merveilleux nourrissent pleinement le travail de mise en scène de Mariana Lézin, soutenu par une création musicale de Benjamin Civil et une très belle installation vidéo de Grégoire Gorbatchevsky. L’âpre lutte entre une petite fille et un bûcheron permet aussi de sonder les champs de la transmission, la filiation et la relation entre les générations. Sans colonne vertébrale, déterminée à se battre pour son avenir, la petite fille a besoin d’un arbre pour tailler en son cœur un corset de bois qui lui permettra de grandir. Solitaire et bourru, le bûcheron refuse d’abattre le dernier arbre qui lui reste. « Commence alors la lutte des certitudes : joutes verbales endiablées, jeux de rôles, histoires fabuleuses… » La confrontation invite aussi à dépasser le cadre individuel pour réfléchir à la dimension métaphorique de l’histoire, évoquant notre système économique destructeur. Un troisième personnage, la Présence, figure omnisciente étrange et mystérieuse, ouverte à tous les possibles, donne corps au pouvoir du théâtre. La mise en scène entrelace le merveilleux et le réel pour faire vivre les enjeux de la fable dans toutes leurs nuances, pour ouvrir la réflexion et donner sens à la beauté du théâtre. A voir !

Agnès Santi