La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Tartuffe

Tartuffe - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Porte Saint-Martin
Tartuffe, mis en scène par Michel Fau. Crédit photo : Marcel Hartmann

Théâtre de la Porte Saint-Martin / de Molière / mes Michel Fau

Publié le 27 septembre 2017 - N° 258

Michel Fau choisit l’exaltation baroque pour mettre en scène la chute de Tartuffe, vil imposteur usant du masque de la dévotion pour s’emparer de la maison et de la femme du vieillard dupé qu’interprète Michel Bouquet.

Emmanuel Charles a créé une perspective dépravée pour servir de décor à la mise en scène de Michel Fau : l’anamorphose est troublante et l’on sent d’emblée que le point de vue des victimes de Tartuffe n’est pas conforme au bon sens. Il faut vraiment être aveugle, sourd et balbutiant comme le vieillard fragile que campe Michel Bouquet pour ne pas voir que le Tartuffe écarlate qu’incarne Michel Fau est un triste sire et un bien méchant homme. Il y a fort à parier que si tous les extrémistes étaient à ce point caricaturaux, on peinerait moins à les repérer… La Madame Pernelle de Juliette Carré, sorte de dragon femelle corsetée dans son puritanisme vipérin, ouvre le jeu et déverse sur ses enfants l’ire et le fiel de ceux qui n’ont que la promesse du Ciel pour se consoler du deuil des plaisirs terrestres. Michel Bouquet est un Orgon cocard et niais, qui peine à lutter contre la belle santé comique de Dorine, à laquelle Christine Murillo – lumière bienveillante de cette distribution – offre toute la palette de son talent. La scène où elle réconcilie les deux tourtereaux fâchés constitue l’acmé de la farce et offre un plaisant moment de théâtre, égaillé par l’apparition équestre de Valère.

Un vertige virevoltant

Michel Fau a voulu rendre Tartuffe à son siècle et à son genre : une « satire métaphysique » se moquant des imposteurs et des faux dévots qui empêchent les braves gens de vivre heureux et de prier sans excès. « Trop souvent montée ces dernières années comme un drame bourgeois », la pièce est restaurée dans un « vertige baroque » que les richissimes costumes de Christian Lacroix habillent de lumières éblouissantes. Tartuffe, moulé dans un seyant gilet de silice et drapé dans la pourpre virevoltante d’une libido ondoyante, mime avec éclat son attachement pour les mystères de la croix et renverse allègrement Elvire sur l’autel sous lequel est installé Orgon pour surprendre sa traîtrise. « Tartuffe met en scène la catastrophe dans une famille égarée », dit Michel Fau, et le traitement théâtral qu’il impose à la pièce de Molière en fait une farce surexcitée où aucun des personnages n’est épargné. Mariane est une dinde, son amant un pantin grotesque, Cléante un fat sentencieux et Damis un hystérique écervelé : preuve, magistralement apportée, qu’il faut être bien sot pour se laisser berner par les fausses gloires que sanctifie le siècle et dont ricane sans doute le Ciel…

Catherine Robert

A propos de l'événement

Tartuffe
du dimanche 15 octobre 2017 au dimanche 31 décembre 2017
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin, 75010 Paris, France

Du mardi au vendredi 20h ; samedi à 20h30 ; dimanche à 16h. Tél. : 01 42 08 00 32. Durée : 2h20.

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