La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2017 - Entretien / PASCAL KIRSCH

LA PRINCESSE MALEINE

LA PRINCESSE MALEINE - Critique sortie Avignon / 2017 Avignon Festival d’Avignon. Cloître des Célestins
DR

Cloître des célestins / de Maurice Maeterlinck / mes Pascal Kirsch

Publié le 25 juin 2017 - N° 256

Pour sa première création à Avignon, Pascal Kirsch a choisi de monter la première pièce de Maurice Maeterlinck. Un texte plutôt rarement représenté au théâtre, dont le metteur en scène explore des aspects à contre-courant des lectures habituelles.

« Ce que j’aimerais porter à la scène, c’est ce tragique qui nous pousse à rire de nous-mêmes. »

Qu’est-ce qui vous a donné envie de monter cette pièce ?

Pascal Kirsch : J’ai commencé mon parcours théâtral avec Maeterlinck, qui m’a beaucoup marqué, et je viens de monter Pauvreté, richesse, homme et bête de Hans Henny Jahnn qui est aussi une pièce tirée d’un conte des frères Grimm. J’ai ressenti l’envie d’en constituer le deuxième volet : une réécriture d’un conte de Grimm par un grand auteur, une pièce qui serait le revers d’une médaille, un parcours d’amour, mais dans une veine plus légère, plus grotesque.

Comment définiriez-vous ce grotesque, qui est une dimension rarement pointée dans l’œuvre de Maeterlinck ?

P. K. : Il est présent pourtant. Le meurtre est catastrophique : il est si mal réalisé qu’il peut porter à rire, comme toutes les choses qui nous angoissent. On note aussi beaucoup d’actes manqués : le prince oublie de sauver la princesse, les fées oublient qu’elles ont des pouvoirs. On retrouve ce grotesque dans Les Aveugles où douze aveugles attendent le retour de leur guide qui – ils ne peuvent pas le voir – est mort parmi eux. Ce que j’aimerais porter à la scène, c’est ce tragique qui nous pousse à rire de nous-mêmes.

Vous pensez que ce grotesque est plus présent dans cette pièce de Maeterlinck que dans ses textes postérieurs ?

P. K. : Absolument. La Princesse Maleine est une œuvre de jeunesse, très marquée par Shakespeare et Edgar Allan Poe. Je pense qu’en l’écrivant, Maeterlinck a trouvé sa voix. Il découvre pour lui-même ce que sera son théâtre mais il ne le sait pas encore. Par la suite, il se détachera de Shakespeare : les pitreries et les scènes triviales disparaîtront. Maeterlinck s’éloignera d’un certain foisonnement pour devenir plus précis, posé, mature. On peut faire le parallèle avec Claudel : la sauvagerie de ses premières pièces s’atténue avec le temps, elles se hiératisent.

Vous insistez également sur la démarche d’entomologiste de Maeterlinck qui passe la famille à la loupe. Comment concilier cette dissection des êtres avec la poésie propre à cet auteur ?

P. K. : Après La Princesse Maleine, Maeterlinck va écrire des essais sur les abeilles, les termites, les fleurs… Il s’agit d’une entomologie très anthropomorphique : quand il parle des fourmis, il nous parle des humains. Ce que j’essaie de dégager, ce sont les mécanismes propres à une espèce, par opposition avec des considérations psychologiques. Par exemple, dans une ruche, deux reines ne peuvent pas coexister. C’est la même chose pour la princesse Maleine : face à la princesse Anne, l’une des deux doit mourir.

Est-il plus facile de monter une pièce vierge ?

P. K. : Je trouve cela en tout cas beaucoup plus amusant dans le rapport avec le spectateur. Tout le monde sait comment se termine Hamlet mais très peu connaissent la fin de La Princesse Maleine, d’autant qu’elle diverge de celle de Grimm. Le conte s’arrête là où commence la pièce. Au lieu du traditionnel « ils s’aimèrent et vécurent heureux longtemps », Maeterlinck émet l’hypothèse que l’apparente consolation de cette formule fait naître une nouvelle inquiétude existentielle, qui est peut-être plus tragique que les grandes tragédies.

 

 

Propos recueillis par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

LA PRINCESSE MALEINE
du dimanche 9 juillet 2017 au samedi 15 juillet 2017
Festival d’Avignon. Cloître des Célestins
1 Impasse Ernest Feuillet Poete Avignonnais, 84000 Avignon, France

à 22h, relâche le 10. Durée estimée : 2h45. Tél. 04 90 14 14 14

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