La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -244-théâtre national de chaillot ~ saison 2016/2017

Les Français

Les Français - Critique sortie Danse Paris Théâtre national de Chaillot
Crédit photo : Hueckel

Entretien Krzysztof Warlikowski
Théâtre / D’après Proust / Mise en scène Krzysztof Warlikowski

Publié le 28 mai 2016 - N° 244

Le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski déploie sa lecture de A la recherche du temps perdu de Proust dans Les Français : une œuvre radicale qui dessine le portrait ontologique de l’animal social et livre une vision critique de l’Europe en voie de régression xénophobe et puritaine.

Pourquoi ce titre, Les Français ?

Krzysztof Warlikowski : Il m’est venu de l’image du peuple français manifestant pour défendre les valeurs de la République et de la culture occidentale contre les « barbares » après l’attentat qui a frappé Charlie Hebdo. Ce symbole renvoie à notre ambition de société et à notre échec, que Proust évoque déjà quand il décrit la France de la Belle époque, portée par la vitalité et l’optimisme, mais déchirée par l’Affaire Dreyfus, et fonçant vers la catastrophe.

Dans le spectacle, vous montrez des personnages qui font salon dans une société déliquescente. Est-ce un portrait de la vieille Europe ?

K. W. : Proust écrit un reportage sur son époque dont il diagnostique l’effondrement. On découvre une société de monstres élégants, qui s’adonnent à leurs jeux cruels lors de soirées mondaines, alors que le cataclysme de la première guerre mondiale guette déjà. Ces personnages crépusculaires sont les silhouettes d’un monde qui se perd. Celui de la culture européenne et de son modèle, qui cède aujourd’hui sous les coups de la vulgarité commerciale, du nationalisme, de l’emprise religieuse. L’économie et la politique finiront par dévorer l’humain. Nous avons échoué à mettre en œuvre l’Europe que nous avions rêvée. Que donne-t-on à la jeunesse aujourd’hui ? Les jeunes surfent dans des univers marchands, virtuels, qui cherchent à standardiser les émotions. Chaque génération doit sans doute éprouver un sentiment de déclin. La vie est une chute, de l’innocence, de la lumière qui nous est donnée enfant, une recherche désespérée de l’espoir d’être au monde.

« Proust écrit un reportage sur son époque dont il diagnostique l’effondrement. »

L’œuvre, immense, déborde toute tentative d’adaptation. Comment l’avez-vous brassée pour créer la vôtre ?

K. W. : J’ai dialogué avec elle pour en livrer une vision contemporaine, personnelle. Proust est un compagnon de pensées. J’ai découvert La Recherche à 18 ans. Je l’ai relue souvent. Avec la maturité, elle s’est enrichie de nouvelles couleurs, plus profondes. Je me sens proche de sa vision de la réalité. Dans Les Français, j’ai repris ses personnages et leurs relations complexes, des éléments du contexte historique tels que l’antisémitisme, l’homosexualité refoulée, le nationalisme, les salons parisiens… J’ai réalisé un montage de séquences qui puisent dans plusieurs chapitres du roman, et dans notre actualité. La critique n’a rien perdu de ses griffes !

 

Entretien réalisé par Gwénola David

A propos de l'événement

Les Français
du vendredi 18 novembre 2016 au vendredi 25 novembre 2016
Théâtre national de Chaillot
1 Place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75016 Paris, France

Tél. : 01 53 65 30 00. Site : www.theatre-chaillot.fr

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