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Théâtre - Critique

Antigone, Adel Hakim dirige les acteurs du Théâtre National Palestinien

Antigone, Adel Hakim dirige les acteurs du Théâtre National Palestinien - Critique sortie Théâtre Ivry-sur-Seine Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
Crédit photo : Nabil Boutros Légende photo : Shaden Salim dans l’Antigone d’Adel Hakim.

Antigone / de Sophocle / texte arabe d’Abd El Rahmane Badawi / mes Adel Hakim

Publié le 29 octobre 2012 - N° 203

Adel Hakim dirige les acteurs du Théâtre National Palestinien dans la belle scénographie d’Yves Collet. Une Antigone exaltée, dont la modernité reprend puissamment la forme de l’antique tragédie.

La tragédie n’est jamais au présent. Soit elle est récit, soit elle est prédiction, prenant toujours la forme du déjà advenu, puisque, à cause du destin, le futur est un passé à venir. Dès lors, le discours remplace l’action, au risque d’une interprétation d’un hiératisme statique. Yves Collet invente une très intelligente scénographie qui permet d’éviter ce risque, tout en rendant, de façon éclatante, l’inexorable du discours. En fond de scène, sept panneaux joints, – sept, comme les sept portes de Thèbes, devant lesquelles se sont entretués Etéocle et Polynice ainsi que leurs champions -, s’ouvrent et se ferment, au gré des entrées et des sorties des derniers Labdacides. Créon surgit, nimbé de colère, pour dire la loi des hommes et récuser la justice des dieux ; Antigone apparaît, auréolée par la gloire sacrificielle, pour rappeler l’intangible loi des dieux et accuser la force des hommes. « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. », disait Pascal. Au centre de la scène, comme si le théâtre était mis en abyme, un grand carré surélevé accueille les différents récits : la tragédie se joue en se disant, et le théâtre exalte le pouvoir du verbe.

Modernité et éternité de la tragédie

Le décor est donc celui de toute tragédie, mieux encore que celui des affres par lesquels passent les pitoyables et terrifiants descendants du malheureux Œdipe : cette scénographie lumineuse permet de moderniser, en l’universalisant, la pièce de Sophocle. On ne peut pas ne pas penser, en écoutant les comédiens du Théâtre National Palestinien incarner l’affrontement aveugle des protagonistes d’Antigone, au jusqu’auboutisme des combattants de leur pays. On entend aussi, dans l’héroïsme d’Antigone acceptant la mort pour servir la loi divine, d’autres sacrifiées d’un terrorisme désespéré. Les costumes modernes suggèrent la métaphore autant que la langue arabe l’impose. Mais Adel Hakim n’est ni un cynique, ni un militant adepte des raccourcis démagogiques. Son théâtre est toujours nourri de cet amour de la vie et des hommes, qu’il retrouve dans la poésie de Mahmoud Darwich, intégrée à ce spectacle. Le metteur en scène suggère plutôt qu’il n’impose, et sa lecture intemporelle de Sophocle acquiert ainsi davantage d’acuité politique et de résonnance contemporaine. Servie par des acteurs puissants et enthousiastes, aussi émouvants que truculents et drôles selon leurs rôles, cette mise en scène d’Antigone est une très belle et très forte démonstration de l’éternité de la tragédie.

Catherine Robert

A propos de l'événement

ANTIGONE
du jeudi 8 novembre 2012 au mercredi 5 décembre 2012
Théâtre d'Ivry Antoine Vitez
1, rue Simon Dereure, 94200 Ivry.

Du 8 novembre au 5 décembre 2012. Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Spectacle surtitre en français. Durée : 1h50. Tél. : 01 43 90 11 11.
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