D comme Deleuze
Artiste associé au Phénix – scène nationale [...]
Dans le cadre du Festival d’Automne, Laïla Soliman et ses quatre comédiennes exhument et portent à la scène des témoignages de femmes datant de 1919 sur des viols commis par l’armée britannique en Egypte.
Pourquoi avez-vous choisi de porter ces archives à la scène ?
Laïla Soliman : Je travaillais sur le centenaire de la guerre de 1914 lorsque j’ai découvert ces témoignages de viols et autres violences commis par l’armée britannique dans un village égyptien. J’ai ensuite consulté les archives anglaises pour avoir accès à l’ensemble du dossier. Ce qui est intéressant, c’est que cet épisode a été utilisé politiquement, puis a été oublié. Souvent les femmes sont poussées hors de l’Histoire. De plus, ces témoignages sur des viols sont étonnants quand on sait combien les femmes ont encore aujourd’hui du mal à témoigner de ces actes.
Quelle est la force “artistique“ de ces documents ?
L.S. : On pourrait essayer d’écrire des dialogues de théâtre aussi bien, on n’y arriverait pas. De plus ces documents ont une extraordinaire capacité à parler d’eux-mêmes. Ils en disent long par exemple sur la manière dont on investigue les questions de viol, mais aussi sur les dynamiques de pouvoir.
Comment avez-vous choisi de les porter à la scène ?
L.S. : Il ne s’agit pas de rejouer les témoignages. J’ai fait le choix que quatre comédiennes lisent ces documents, rapportant les paroles de ces femmes, des témoins, des juges, des soldats… Chacune se les approprie d’une manière différente, on entendra aussi les voix et les chants de l’époque. Porter à la scène ces archives, c’est aussi une véritable expérience physique.
Pourquoi avoir fait ce choix pour vos différents spectacles d’un théâtre documentaire ?
L.S. : En fait, chaque matériau génère sa propre forme. Je ne décide pas à l’avance quelle forme aura mon spectacle. Mais c’est vrai que j’aime explorer les frontières de ce qu’on appelle le théâtre documentaire. Je pense par exemple qu’un texte n’est pas plus documentaire qu’un chant, et qu’il y a également du documentaire dans la mémoire des corps. Et puis, en général, je trouve que le réel permet d’aller bien plus loin que l’imagination ne le permettrait.
Propos recueillis par Eric Demey
Du 12 au 21 octobre à 20h, le samedi à 19h, relâche le dimanche. Tel : 01 48 70 48 90.
Artiste associé au Phénix – scène nationale [...]