La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Yves Beaunesne

Yves Beaunesne - Critique sortie Théâtre
Yves Beaunesne Crédit photo : Guy Delahaye

Région / en tournée / Comédie Poitou-Charentes / Yves Beaunesne / Un opéra de paroles

Publié le 24 février 2014

Retrouvant Camille Rocailleux pour accompagner d’un chant de résonnance l’opéra de paroles claudélien, Yves Beaunesne met en scène « le drame de la possession d’une âme par le surnaturel », comme disait son auteur.  

Pourquoi choisir la version de 1911 de cette pièce ?

Yves Beaunesne : C’est la troisième de ses quatre versions, d’abord connue sous un autre titre, La Jeune fille Violaine. Claudel écrit la première en 1892, à vingt-quatre ans : c’est une version intimiste, un adieu à son Tardenois natal empreint de lyrisme et implanté dans un réel fort, qui raconte la rivalité de deux sœurs, la désillusion d’un jeune homme, une guérison miraculeuse et une résilience finale. Une dizaine d’années après, une deuxième version ajoute une dimension spirituelle plus forte, avec Pierre de Craon, un architecte, compagnon de France, atteint de la lèpre. Il échange un baiser avec Violaine, et c’est là que la transmission de la vie commence à opérer. Mais Claudel n’arrive pas à monter cette deuxième version. Il la remanie donc encore pour en faire L’Annonce faite à Marie. Ecrite au moment où Claudel assiste, à Prague, à la représentation d’un mystère qui le bouleverse, cette version voit sa dimension symbolique accentuée : on assiste à l’irruption du surnaturel et de la grâce dans un quotidien où le miracle prend une dimension humaine.

« Permettre ce dont chacun a envie : croire au miracle ! »

Comment le texte traduit-il cette évolution ?

Y. B. : Claudel est au moment de sa vie où il entretient une forme de brutalité dans son rapport à la langue : il est là au cœur de son invention du vers claudélien, le plus grand après celui de Racine. Constamment, on a le sentiment que l’auditeur est secoué dans l’écoute. On a l’impression que le sens des mots est constamment en péril. Si on néglige la ponctuation, Claudel, par la respiration, nous fait passer de la certitude au doute. Cela apparaît magnifiquement dans la première version de L’Annonce faite à Marie, et un peu moins dans la deuxième, celle de 1948, version où il semble se repentir de la richesse brute de ses premiers jets, avec l’assurance de l’homme qui a accédé à la maîtrise de la langue.

Pourquoi choisir d’accompagner le texte avec une création musicale ?

Y. B. : La musique est difficile à introduire dans la plupart de ses pièces, sauf dans L’Annonce faite à Marie. Il y est fait allusion à des moments de la liturgie, aux voix d’anges, au souffle, à des chants d’enfants. Claudel avait l’intuition d’un opéra de paroles à travers ses angélus, ses sons d’oiseaux, la voix de la moniale, le chant de la pluie. C’est pourquoi j’ai voulu accompagner cet opéra de paroles d’un chant de résonnance. Pour la deuxième fois, je retrouve Camille Rocailleux : extrêmement inspirant et inspiré, toujours heureux d’être amené dans des régions non explorées, il passe des chats brechtiens de notre précédente collaboration à un requiem des temps modernes : les comédiens rentrent dans son univers avec un amour fou. Camille a cette capacité à rendre l’indicible proche de nous et de permettre ainsi ce dont chacun a envie : croire au miracle !

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

L’Annonce faite à Marie
du mardi 11 mars 2014 au samedi 24 mai 2014


Tél. : 05 49 41 43 90. Création, les 11 et 12 mars au Théâtre d’Angoulême. Du 19 au 21 mars au TAP de Poitiers. Les 25 et 26 mars à La Coursive de La Rochelle. Le 15 avril au Théâtre en Dracénie de Draguignan. Les 23 et 24 mai au Moulin du Roc, à Niort. Du 24 juin au 20 juillet au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris.

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