La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 - Entretien Bruno Boussagol

Women 68 : « Un état d’esprit, une langue débridée, une musique et un rythme »

Women 68 : « Un état d’esprit, une langue débridée, une musique et un rythme » - Critique sortie Avignon / 2010

Publié le 10 juillet 2008

Bruno Boussagol invente un hommage artistique combatif et solidaire à Mai 68 et aux femmes en lutte pour leur émancipation.

Pourquoi avez-vous choisi d’évoquer Mai 68, et de l’évoquer à travers trois figures de femmes ?
 
Bruno Boussagol : Je voulais trouver une réponse artistique à la provocation de Sarkozy qui avait proposé de « liquider 68 » durant sa campagne électorale de 2007. Cette période de notre histoire récente est essentielle, en France comme dans le reste du monde. En particulier pour les femmes. Il y avait là comme une insulte. A la suite de discussions avec des « soixante-huitards » et surtout des « soixante-huitardes », le projet a germé. Trois comédiens de 55 ans allaient rendre hommage à trois femmes. Elles avaient une trentaine d’années en 68. Elles décident de « monter sur les planches » pour gueuler contre la situation faite aux femmes d’aujourd’hui.
 
 « Les « mémés rouges » ont à nous apprendre que la lutte n’est jamais terminée. En particulier pour les femmes. »
 
Et pourquoi trois hommes – Jean-Louis Debard, Pierre-Marius Court et vous-même – interprètent-ils ces trois femmes ?
 
B. B. : Vous l’avez compris, la distribution précède l’écriture même. C’est le nœud du projet. Nous ne sommes pas des travestis à proprement parler. Nous sommes des comédiens qui jouent des femmes que nous admirons. Ce que nous sommes, nous le devons en grande partie aux femmes qui se sont émancipées en même temps que nous devenions des hommes. Nous sommes extrêmement sensibles et solidaires des femmes qui se battent. Nous avons compris que ce combat, elles devaient le mener sans nous et souvent contre nous. Ces personnages que nous interprétons sont comme des sœurs. Si elles le veulent nous sommes à leur côté. Nous les admirons, nous les aimons et nous voulons que le public les aime.
 
Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à proposer à
Nadège Prugnard qu’elle écrive pour vous ?
 
B. B. : Les textes concernant mai 68 sont souvent décevants parce qu’ils ressassent souvenirs et analyses forcément partiales. Mon projet était plutôt de retrouver un état d’esprit et une langue débridée, une musique et un rythme. Accompagnant épisodiquement Nadège Prugnard depuis 2002, je lui ai proposé d’écrire pour nous. Bien qu’elle soit trop jeune pour avoir connu cette époque, elle était d’autant plus libre de « recréer » une langue. J’avais défini une scénographie sommaire et pour le jeu un rapport direct acteur/public. Après avoir rencontré plusieurs femmes témoins, consulté des documents privés en particulier de la mouvance maoïste, rassemblé auprès des trois comédiens leurs références, anecdotes, souvenirs et expériences, elle a établi en dix jours un premier texte. Quelque temps avant, les comédiens avaient passé une semaine à répéter des chansons de cette époque : Janis Joplin, Brassens, Colette Magny, Frank Zappa, Nina Hagen, Jeanne Moreau, les Beatles… Six d’entre elles devaient entrer dans le canevas. De même une histoire pour chacune avec une robe de mariée. Bref, un certain nombre de contraintes permettaient à l’auteure de rester « collée » au projet. Puis le texte a été réécrit quotidiennement au gré du travail de plateau jusqu’à une formulation pratiquement définitive. Nous avons tenté avec WOMEN 68 une création collective comme dans les années 70, période durant laquelle l’acteur avait une place centrale.
 
Qu’ont à nous apprendre ces “mémés rouges“ sur notre temps et notre société ?
 
B. B. : Les « mémés rouges » ont à nous apprendre que la lutte n’est jamais terminée. En particulier pour les femmes. Que le retour aux obscurantismes est permanent. Qu’être vieux ou vieille n’est pas une raison pour fermer sa gueule. Que mai 68 fut la plus belle époque pour rêver, aimer, parler, vivre ensemble, changer la société. Qu’elle fut « un début » plus qu’une fin. En 68 les politiciens étaient vraiment vieux.
Les « mémés rouges » rêvent qu’aujourd’hui la jeunesse se soulève et ridiculise ces vieux jeunes politiciens qui les méprise, les étouffe, les désespère.
 
Propos recueillis par Agnès Santi


Avignon Off. Women 68 même pas mort, conception et réalisation Bruno Boussagol, texte Nadège Prugnard, au théâtre de l’Observance, 10 rue de l’Observance. Tél : 06 28 67 70 78.

A propos de l'événement


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