Le Père de Stéphanie Chaillou, mise en scène de Julien Gosselin
Dans le travail de Julien Gosselin, Le Père, [...]
Seul sur la scène du Théâtre de Belleville, au sein d’un espace scénographique quasi vide, Gérard Potier interprète et met en scène Une Vie de Gérard en Occident, texte adapté d’un roman de François Beaune. Entre humour et réalisme social, une échappée dans la vie de « vrais gens » appartenant à la France que l’on dit « d’en bas ».
Une table. Une cagette. Quelques boites de biscuits apéritif. Des gobelets en plastique. La voix, le corps, la présence d’un comédien qui arrive sur scène en nous souhaitant la bienvenue dans la salle des fêtes d’un bourg imaginaire de Vendée, Saint-Jean-des-Oies, où doit se tenir une rencontre politique. Cet acteur, c’est Gérard Potier. En un peu plus d’une heure, il nous fait voyager dans l’existence d’un autre Gérard (Airaudeau), qui donne lui-même naissance à une galerie de personnages inventés par l’auteur François Beaune à partir d’histoires vraies collectées auprès de populations locales, lors d’une résidence effectuée à la Scène nationale de la Roche-sur-Yon. Des années 1970 à nos jours, c’est ainsi une vision du monde ouvrier de la France rurale que cette adaptation scénique d’Une Vie de Gérard en Occident* nous présente au Théâtre de Belleville, scène ayant rouvert ses portes aux publics dès le début du mois de juillet. Sur un ton badin qui finit par glisser, l’air de rien, vers les territoires crus et troublants de réalités sociales souvent dramatiques, Gérard Potier nous parle ici des malheurs et des joies, des déterminismes qui orientent le cours des vies ordinaires, dont le texte de François Beaune s’attache à rendre compte.
La dureté de la condition ouvrière
Quelques faiblesses dans le texte et la mise en scène pourraient faire craindre, en début de représentation, à une création usant de facilités. Il n’en est rien. Car, peu à peu, l’univers auquel donne corps Gérard Potier se clarifie, s’affine, s’approfondit pour nous gagner à la cause des récits à hauteur d’homme qui se révèlent à nous. De l’enfance de Gérard Airaudeau dans un bar PMU à sa vie d’intérimaire balloté d’entreprise en entreprise, de l’accident de travail d’un employé de l’agro-alimentaire à son suicide après deux ans d’inactivité, de plans de licenciement en plans de licenciements qui laissent au bord de la route toute une génération de travailleurs, Une Vie de Gérard en Occident porte un regard simple et authentique sur la dureté de la condition ouvrière. Un regard sans pathos et sans misérabilisme. Un regard qui n’omet rien des petits et grands bonheurs formant aussi la matière de destins traversés, comme tous les autres, par la question du bonheur, de la mort, du racisme, de l’orientation sexuelle… Tout ceci nous est offert, sur scène, avec netteté et sincérité. Gérard Potier gagne le pari de la justesse. En toute sensibilité, il nous transporte du rire au sourire. Et du sourire à l’émotion.
* Le roman adapté pour le spectacle a été publié, en 2017, aux Editions Verticales
Manuel Piolat Soleymat
Du mercredi au samedi à 19h30, le dimanche à 17h. Durée de la représentation 1h05. Tél. : 01 48 06 72 34. www.theatredebelleville.com
Dans le travail de Julien Gosselin, Le Père, [...]