La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse contemporaine - Critique

« Último Helecho », une création « barococo » signée Nina Laisné avec François Chaignaud et Nadia Larcher

« Último Helecho », une création « barococo » signée Nina Laisné avec François Chaignaud et Nadia Larcher - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
François Chaignaud, étrange créature de Último Helecho Crédit : Nina Laisné

Chaillot, théâtre national de la Danse/
Conception Nina Laisné, avec François Chaignaud et Nadia Larcher

Publié le 27 novembre 2025 - N° 338

Nina Laisné poursuit sa quête du spectacle total, en véritable concert de musique, de danse et de chant. Malgré un univers visuel « barococo », les interprètes finissent par exalter, sur le fil, la richesse d’un répertoire folklorique d’Amérique du Sud.

L’ouverture solennelle, tout en cuivres profonds, s’installe en hauteur dans la pénombre d’un calice monumental. Drapés de noir, les trombonistes, lentement, descendent tirer de sa torpeur un étrange faune échoué sur le sol. Lui, c’est François Chaignaud. Qui d’autre pour sublimer ce corps au crâne nu, enserré dans un justaucorps hésitant entre rapiècement et exosquelette, entre lambeaux de tissus transformant la chair et ornements brodés ? Son éveil le force à une danse qui frôle le butô, fléchie et ployée en demi-pliés. Il trouve ensuite en Nadia Larcher une compagne de jeu, créature aussi étrange échappée du même rêve. Présence vive et malicieuse, elle laisse cependant au danseur ses contorsions et ses recroquevillements terriens, capables de libérer en un éclair des tours éclatants. À deux, ils explorent un espace fait de roches en carton-pâte, hideuses réminiscences du kitsch d’un décor semblant recyclé d’un opéra. Difficile de rentrer dans l’esthétique de cette proposition de Nina Laisné, car entre le décor et les costumes, ça pique les yeux… mais pas les oreilles.

Tour de danse et tour de force de François Chaignaud

Il faut accepter d’être loin de la grande beauté visuelle d’Arca Ostinata, pièce que l’artiste avait signée avec Daniel Zapico – presque une épure au regard d’Último Helecho. C’est véritablement l’univers musical qui va réussir à nous embarquer dans cette nouvelle création, dédiée à un répertoire issu des traditions argentines et péruviennes. Il y a beaucoup d’érudition dans ce voyage musical et chorégraphique, et beaucoup de virtuosité de la part des six instrumentistes. Et, sans conteste, il n’y aurait pas eu meilleurs chanteurs et danseurs que François et Nadia, capables de résister à cet environnement par trop baroque, de s’emperruquer dans la roche et de chanter l’amour et la mort, même s’il en faudrait peu pour verser dans le grotesque. Au fil du spectacle, ce qui s’annonçait comme un duo originaire d’on ne sait quelle mythologie fantasmée évolue vers le collectif et la fête. Les musiciens laissent percer la couleur et les sequins de leurs habits noirs, et s’engagent volontiers dans la danse. François Chaignaud achève de nous emporter par ses ronds de jambes bottées d’or, dans un zapateado en dedans-dehors porté par une frénésie marionnettique. Puis, parés de cheveux et de lourdes chasubles, ils deviennent les roi et reine d’une célébration que l’on finit par acclamer.

Nathalie Yokel

 

A propos de l'événement

Último Helecho
du vendredi 28 novembre 2025 au dimanche 30 novembre 2025
Chaillot - Théâtre national de la danse
Place du Trocadéro 75116 Paris

A 20h et dimanche à 15h. Derniers billets sur place.

Rens ICI

Spectacle vu à la Biennale de la Danse de Lyon

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