Le collectif F71 s’est lancé dans une aventure théâtrale remarquable autour de l’œuvre du philosophe Michel Foucault. Elle en présente le résultat (provisoire) : trois spectacles autour de l’engagement politique, de la prison et de la folie, témoignant d’une recherche esthétique en évolution.
Davantage que philosophe, Foucault se considérait comme historien, son travail s’articulant sur une recherche documentaire fouillée à partir de laquelle il élabora des hypothèses quant aux formes de pouvoir, et de savoir, structurant les différents états de notre société. Hommage et choix esthétique, l’ensemble du travail de la compagnie traduit cette démarche intellectuelle par un recours incessant aux documents d’archives qu’elle transforme en matériaux scéniques dont la forme la plus récurrente, et la plus surprenante est le rétroprojecteur . Tracts, couvertures de journaux, documents radiophoniques, télévisuels, reconstitutions de dialogues, mises en scène d’extraits d’essais, de conférence de presse … offrent par ailleurs un large arsenal d’outils permettant de théâtraliser une pensée multiforme. Mimant un certain effacement au service de l’œuvre du penseur structuraliste dans ses deux premières créations- Foucault 71 et La prison -, le collectif tente dans la dernière – Qui suis-je maintenant ? – de développer une esthétique plus poétique et spectaculaire pour un résultat qui cependant peut porter à la critique.
Entre le documentaire et le sensible
Les adeptes de Foucault n’apprendront peut-être pas grand chose de cette trilogie. Et c’est mieux ainsi: pas de réinterprétation de l’œuvre, ni de méta-analyse, mais simplement le courage pour ce collectif d’avancer à la rencontre d’un matériau complexe et stimulant qui nourrit la pensée contemporaine. Le célèbre Surveiller et punir habite largement La Prison. Quelques épisodes de l’engagement intellectuel militant post-68 rythment un Foucault 71 où l’on croise Deleuze, Sartre, Glücksmann, Domenach, entre autres figures mythiques d’une époque que font revivre ces cinq jeunes femmes nées dans les années 70. Le dernier opus part de La vie des hommes infâmes, livre rêvé par Foucault autour de figures d’inconnus réprouvés par les Institutions. Et dans un climat onirique et baroque qui fait parfois penser à Genet, il évoque les études de Foucault sur la folie et son incessant travail pour montrer que le langage est un instrument primordial du pouvoir. (Re)découvrir quelques pans de cette pensée si importante suffisait à justifier un tel projet. Mais ce théâtre qui cherche à transmettre un héritage tout en se l’appropriant jette aussi des ponts entre les genres et les époques, et ouvre sur une recherche esthétique, entre le documentaire et le sensible, que F71 mène intelligemment sans jamais se départir d’une émouvante fragilité.
Foucault 71, feuilleton théâtral en trois épisodes créé par le collectif F71. Du 12 janvier au 6 février au Théâtre de l’Aquarium (Foucault 71 le mercredi, La prison le jeudi, Qui suis-je maintenant ? le vendredi et le dimanche ; l’intégrale le samedi). Route du champ de manœuvres 75012 Paris. Réservations : 01 43 74 99 61