La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Transfer !

Transfer ! - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Bart_omiej Sowa Légende photo : Les témoins qui ont vécu les déplacements populations en 1945 racontent leur histoire

Publié le 10 octobre 2009

Le Polonais Jan Klata administre une pesante leçon d’histoire.

Ils vivaient là, calés aux creux de leurs terres d’enfance, certains depuis des générations, d’autres plantés de force à peine quelques décennies plus tôt. Puis la Conférence de Yalta redessina le visage de l’Europe, dans les plissures de l’hiver 1945 et les nœuds géostratégiques de la guerre agonisante. Wroclaw, ville polonaise d’origine, ballotée d’un empire à l’autre au gré des conquêtes, devenue prussienne puis allemande depuis 1871, retrouva l’étendard polonais…. Rappela les expatriés d’antan, renvoya les habitants présents. C’est l’histoire de ces gens-là que raconte Transfer !, de ceux et celles qui, d’un trait biffé sur une carte, furent brutalement précipités en exil. Non pas en jouant les faits, non pas en cherchant à saisir les lignes brisées de cette période mais simplement en collant des bribes de mémoires, des éclats de récits. Aujourd’hui, ceux qui ont vécu ce déchirement viennent témoigner. Ils sont dix, cinq Allemands et cinq Polonais. Ils sont vieux, flétris par les années. Chacun leur tour, ils sortent du rang, s’avancent à l’avant-scène, égrènent les souvenirs, les exactions quotidiennes, le rapatriement forcé, les privations, la peur, la violence de l’Histoire sur leur existence. Ni collabos ni résistants. Simplement coincés entre deux oppresseurs. Et tandis qu’ils disent la souffrance de ces années noires, les pieds enfoncés dans le réel tourbeux, trois tristes pitres ricanent au-dessus d’eux, juchés sur les hauteurs d’une passerelle mobile : Churchill, Roosevelt et Staline, tels qu’immortalisés dans le célèbre cliché de Yalta collé dans tous les livres.
 
Tragédies des gens ordinaires
 
Dans Transfer !, Jan Klata ne s’intéresse pas à l’Histoire. Il veut faire entendre des paroles « authentiques », donner voix à ces personnes âgées pour qu’elles disent « leur » vérité avant de mourir. Il use de leur sincérité pour accentuer le cynisme politique des maîtres du monde, jouant du contraste entre les « vrais » gens et les « comédiens », mis en surplomb, personnages grotesques qui laissent éclater leurs grasses plaisanteries entre deux salves de rock psychédélique. Le metteur en scène polonais précise qu’il a collecté minutieusement les propos rapportés des trois grands hommes et les a raboutés, comme si un tel collage apportait caution scientifique. Là n’est pas la question d’ailleurs. Mais plutôt pour quoi faire. Pour s’émouvoir, compatir, se donner bonne conscience de compatir ? Car la proposition artistique reste liminaire, tant sur la dramaturgie que sur la forme. Quant à la « morale », elle est administrée en refrains clairement scandés. Qu’applaudit-on au salut ? Le malheur de ces personnes ? Leur courage de témoigner ? D’aucun y verrait un chantage affectif. Vaste débat…
 
Gwénola David


Transfer !, texte et mise en scène de Jan Klata, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, du 5 au 7 novembre 2009, à 20h30, à la Maison des Arts de Créteil, Place Salvador Allende, 94 000 Créteil. Rens. 01 45 13 19 19 ou www.maccreteil.com et 01 53 45 17 17 ou www.festival-automne.com. Durée : 2h. Spectacle en polonais surtitré en français. Vu au Théâtre du Nord en mai 2009, dans le cadre de Lille 3000.

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