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Une Amérique malade d’elle-même et surtout l’extraordinaire écriture de Raymond Carver. Avec Toutes les petites choses que j’ai pu voir, Olivia Corsini signe une première mise en scène tout en subtilité de l’univers de l‘auteur américain.
Écrivain de l’Amérique profonde, celles des losers revenus du rêve, Raymond Carver a traversé lui-même les affres d’une vie sans argent. C’est pourquoi, notamment, il écrivit essentiellement des nouvelles et des poèmes, plus faciles et rapides à monétiser. Ses confidences sur ses premières années en couple à tirer le diable par la queue ouvrent le spectacle d’Olivia Corsini. La comédienne, ancienne du Soleil et rayonnante dans le Platonov de Cyril Teste, signe ici sa première mise en scène. Fruit d’un travail d’adaptation au long cours des écrits du « Tchekhov américain », son spectacle s’ancre dans le registre de l’authentique. Pourtant, fût-il un écrivain du réel, du sien et de celui qui l’environne, Carver n’en demeure pas moins également un créateur d’atmosphère, un croqueur de personnages qui en capte la matière par petites touches, de biais et de manière indirecte, autant dans les silences que dans les dialogues, autant dans les non-dits que dans les cris, autant et peut-être plus dans les détails que dans la trame de ses récits. Ainsi, Toutes les petites choses que j’ai pu voir reste-t-il toujours en suspens, en attente d’un sens, toujours bien là et, en même temps, qui reste éternellement à reconstruire.
Des névroses qui transpirent
On n’adressera au spectacle comme reproche que sa durée, trop courte, qui nous laisse un peu sur notre faim, tandis que l’esprit commençait à déployer tout un tissu d’interprétations et à constituer un réseau de fils qui s’entrelaçaient. Toutes les petites choses que j’ai pu voir est cependant très habilement mené. Démarrant sur un mode linéaire, la narration multiplie petit à petit les personnages, qui se succèdent dans un univers qui se recompose à la marge, mi-extérieur – une voiture aux phares allumés, la lisière d’une forêt à l’inquiétante lumière de clair de lune – mi-intérieur, avec des éléments qui se déplacent tout seuls – frigo, lit, télé, comptoir de bar… Avec couleur locale mais sans verser dans le cliché, la névrose profonde de l’Amérique y transpire par petites touches : torrents de pubs, médicaments à gogo, absence de relations, travail aliénant, alcool et drogues conduisent tous ces personnages si ordinaires à la frontière de la folie. Des histoires familiales s’esquissent. Des relations de couple aussi. D’autres personnages vieillissent, tout simplement. Déraillement ordinaire des existences soumises à des pressions multiples, le bonheur ne se trouve chez Carver que dans les marges, quand les relations humaines dans le partage du malheur parviennent à se renouer.
Eric Demey
à 19h30, samedi à 18h30, dimanche à 15h30.
Tel : 01 44 95 98 21.
Spectacle vu à la Scène Nationale de Sénart.
Durée : 1h20.
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