Avec talent, Jean Bellorini et les siens façonnent « Histoire d’un Cid », un périple ludique, joyeux et populaire
Le metteur en scène Jean Bellorini propose [...]
Plus qu’une modernisation de la pièce de Molière, la version du Malade imaginaire de Tigran Mekhitarian propose de revisiter le personnage d’Argan du côté de son feu intérieur. Une matière brute bien d’aujourd’hui.
« L’artiste qui fait rapper Molière ». On se demande si à force de lui être attribuée, cette étiquette ne risque pas, à la longue, d’embarrasser Tigran Mekhitarian. En même temps, il l’a un peu cherchée. Avec Les Fourberies de Scapin, L’Avare, Don Juan, et maintenant Le malade imaginaire, ce jeune homme d’origine arménienne s’est fait compagnon fidèle des textes du maître du théâtre français. Pour autant, de rap, dans sa version du Malade imaginaire, il n’y en a pas tant que ça. Une pastorale par laquelle Cléante et Angélique s’avouent publiquement et de manière codée leur amour, une reprise en intermède d’Emma Peters pour commencer, à peine davantage. Et des codes du langage d’aujourd’hui, on en trouve assez peu également. Un « je m’en bats les c… » par ci, deux doigts d’honneur par là. À peine plus. Si Tigran Mekhitarian s’est taillé la réputation de remettre Molière au goût du jour, ce n’est peut-être donc pas dans une hypothétique traduction en langage moderne, en codes jeunes ou en culture urbaine qu’il faut chercher la recette. Peut-être ailleurs.
Une vraie profondeur
Plutôt du côté de son Argan, que lui-même interprète. Un trentenaire en guise de vieux père hypocondriaque qui veut marier sa fille à un médecin, le théâtre sait que tout est code. Assis sur la cuvette des toilettes, ordi sur les genoux, il comptabilise tout d’abord – on imagine via un tableur Excel – les médecines qu’il a reçues et dépensées durant le mois. Choc initial des images et des temporalités, car, à quelques écarts près, Mekhitarian reprend le texte de Molière, même dans ce qu’il peut sembler avoir par moments de daté. Et c’est certainement là la grande réussite de cette pièce, que de parvenir à rendre très concrets les dialogues, très actuelles les situations, très normale cette langue qu’on croit codifiée, tout en posant un regard sur son personnage central qui offre une vraie profondeur à la pièce. Enfantin et rusé, vulnérable et tyrannique, cet Argan Mekhitarian qui boîte concilie les contraires, semble affronter une angoisse existentielle qui le dévore de l’intérieur. Bien plus qu’hypocondriaque, tirant visiblement sa vitalité de la proximité imaginaire de sa mort, il s’enfonce dans une folie et une solitude que rien visiblement ne pourra soigner, faisant de ce feu qui le consume, de ce vide qui semble s’ouvrir devant lui, la véritable dynamique tragique de cette comédie. Autour de Tigran Mekhitarian, l’interprétation est inégale et certains effets un peu téléphonés croisent des trouvailles plus surprenantes. Mais, dans cette mise en scène contemporaine, la question féminine se porte tout naturellement, à hauteur égale de celle de l’hypocondrie d’Argan. Confirmant que la plasticité de Molière, la capacité de ses textes à accueillir les préoccupations des époques qu’ils traversent, ne sont certainement pas les moindres de leurs qualités.
Eric Demey
du mardi au samedi à 20h30, les 14,15 et 21 à 19h30. Tel : 01 71 27 97 17. Spectacle vu la salle des fêtes Marcel Pagnol à Neuilly/Marne. Durée : 1h45.
Le metteur en scène Jean Bellorini propose [...]
Pour sa 12ème édition (du 13 au 28 mai 2025), [...]
Servie par la beauté de son interprétation et [...]