Les Étoiles de notre ciel par la compagnie BrutaFlor
La compagnie BrutaFlor explore au Théâtre du [...]
Angelica Liddell, en artiste de la cruauté, court au secours des hommes et d’une société qui s’enfonce dans la répression des pulsions.
Angelica Liddell déclare son amour aux hommes. Après avoir souvent abordé la violence qu’ils exercent sur les femmes, voilà qu’elle prend leur parti face à leurs congénères qui, en partie, seraient en train d’opérer une réaction morale de grande envergure. The Scarlet Letter n’est pas très Metoo, il faut le dire, vraiment pas politiquement correct, mais l’on sait que cette catégorie échappe complètement à l’artiste espagnole. Qu’elle se fait même un plaisir de s’attaquer aux valeurs les plus partagées. The Scarlet Letter se base pourtant sur la souffrance d’une femme. Dans le roman gothique de Nathaniel Hawthorne, grand classique de la littérature américaine, une jeune femme mariée devient en effet paria pour avoir été mise enceinte par un pasteur qu’elle ne veut pas dénoncer. La lettre A autour de laquelle tourne le spectacle, que Liddell décline en Angelica, en Artiste, entre autres, c’est celle que la jeune femme paria doit porter sur elle comme le signe de son péché (A pour adultère). Cette lettre écarlate, l’héroïne d’Hawthorne la brode d’or et la transfigure en œuvre. Pour Liddell, au cœur de son travail, être artiste, c’est être paria, prendre en charge les vices de l’humanité pour en faire naître de la beauté.
Domestication des instincts
Ambiance religieuse au programme pour commencer. Chants de messe et couleur pourpre envahissante accompagnent longtemps les évolutions d’Angelica Liddell et de huit performeurs beaux comme des peintures classiques. Comme toujours, elle apparaît en maîtresse de cérémonie. Recouverte d’une grande robe noire à panier, elle évolue au milieu de ces hommes domestiqués, aux allures d’enfants, jamais menaçants, souvent dansants. Les images déployées sont un peu convenues et le spectacle peine à prendre son envol jusqu’au premier monologue de Liddell sur les femmes qui ont passé la quarantaine, comme elle. Pamphlet, diatribe drôle et provocatrice qui lance The Scarlet Letter sur la voie d’une dénonciation de cet actuel retour du puritanisme qui porte pour Liddell le rêve social d’une domestication des instincts. La metteure en scène remet alors du rythme, complexifie le sens, nous embarque dans des méandres où l’on ne peut que la suivre, dans des provocations plutôt soft et drôles, dans une esthétique du mélange des genres, sans jamais perdre de vue que la société morale qui se construit est anti-art, car la beauté naît de cette fange des instincts et des pulsions dont nous sommes faits. C’est intransigeant, excessif et implacable. C’est Angelica Liddell qui nous ouvre sur nos parts sombres, nos monstres, bien vivants mais inacceptables.
Eric Demey
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30, le dimanche à 15h30. Tel : 01 44 62 52 52. Durée : 1h45. Spectacle vu au CDN d'Orléans.
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