La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Suis-je encore vivante ?  

Suis-je encore vivante ?   - Critique sortie Théâtre Montreuil Théâtre de la Girandole
Le metteur en scène Jean-Claude Fall Crédit : Sylvie Veyrunes

Théâtre de la Girandole / D’après les écrits et dits de Grisélidis Réal / mes Jean-Claude Fall

Publié le 23 août 2018 - N° 268

Anna Andréotti et Roxane Borgna interprètent les dits et écrits de Grisélidis Réal, mis en scène par Jean-Claude Fall. Une proposition sur la place de la liberté individuelle et collective dans le monde contemporain.

Comment ce projet est-il né ?

Jean-Claude Fall : Tout part des comédiennes. Anna Andréotti et Roxane Borgna voulaient travailler autour de Grisélidis Réal et j’ai accepté de les mettre en scène. Nous avons lu ses écrits et beaucoup travaillé sur les traces qu’elle a laissées, interviews, films, etc. Voilà pourquoi le résultat s’inspire de ses « dits et écrits ».

Qui était Grisélidis Réal ?

J.-C. F. : Un personnage complexe ! Fille de la bourgeoisie protestante genevoise, en complète rupture de ban. Fuyant son mari et sa famille, elle a d’abord échoué à Berlin. Sans aucune ressource, elle s’est livrée à la prostitution dans des conditions terribles, qui l’ont démolie. Pour s’en sortir, elle a fait du trafic de drogue et s’est retrouvée en prison. C’est là qu’elle a découvert l’écriture et la peinture. A ce moment-là, dans les années 1970, s’organise le mouvement de revendication des prostituées, qu’elle rejoint et dont elle devient une des figures de proue. Pour se sentir légitime en tant que porte-parole, elle retourne alors à la prostitution et consacre son temps, son argent et son énergie à défendre ce mouvement, très représentatif de cette époque d’affirmation des libertés individuelles et qui n’aurait plus sa place aujourd’hui, dans notre époque tellement réactionnaire. Commence alors la deuxième partie de sa vie dont elle fait une œuvre d’art. Suis-je encore vivante ? est le titre de son journal de prison. Elle y dénonce l’hypocrisie sexuelle de la société et y défend les plus démunis, auprès desquels elle se prostitue, comme une mère Teresa au bordel. Elle a mis son corps en scène pour qu’y éclate la liberté du plaisir. La parole de Grisélidis Réal est une parole de liberté.

« La parole de Grisélidis Réal est une parole de liberté. »

Comment avez-vous fabriqué ce spectacle ?

J.-C. F. : A trois, avec Anna et Roxane, même si je signe la mise en scène. Si le spectacle parle évidemment de Grisélidis, il parle aussi des années 70. Il se déploie en trois parties : avant, pendant et après la prison. Les actrices sont très exposées, mais la mise en scène est très tenue, ne serait-ce que par égard pour la très grande dignité de Grisélidis. Même si elle est connue pour son « carnet de bal », où elle répertoriait les manies sexuelles de ses clients, il y avait quelque chose de mystique dans sa démarche qui ne faisait jamais le deuil d’une rencontre possible avec l’autre : nous avons surtout voulu montrer le parcours d’un individu brisé qui passe par la prostitution pour se libérer. Il ne s’agit évidemment pas d’un spectacle pornographique ni d’un éloge de la prostitution (dont elle-même dénonçait l’abattage), mais d’une manière de parler de cette époque qui militait pour la libre disposition de son corps.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

 

 

 

A propos de l'événement

Suis-je encore vivante ?  
du jeudi 20 septembre 2018 au vendredi 12 octobre 2018
Théâtre de la Girandole
4, rue Edouard-Vaillant, 93100 Montreuil.

Lundi, mercredi, jeudi et vendredi à 20h30. Tél. : 01 48 57 53 17.

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