Ombres sur Molière
L’auteur et metteur en scène suisse Dominique [...]
Avignon / 2017 - Entretien / Tiago Rodrigues
Tiago Rodrigues présente Souffle au Cloître des Carmes. Un spectacle élaboré autour de la personnalité de Cristina Vidal, souffleuse depuis plus de 30 ans au Teatro nacional D. Maria II de Lisbonne. En pleine période d’écriture et de répétitions (notre entretien a été réalisé aux premiers jours de mai), l’auteur et metteur en scène portugais s’est ouvert à nous sur ce nouveau travail…
Comment est née l’idée de cette création qui place, en son centre, une femme exerçant le métier de souffleuse ?
Tiago Rodrigues : Elle est née lorsque j’ai été nommé directeur artistique du Teatro nacional de Lisbonne, il y a deux ans. Cristina Vidal est souffleuse dans ce théâtre depuis 30 ans. Je la connais depuis quelques années, le projet de faire quelque chose avec elle m’avait déjà traversé l’esprit. C’est une personnalité singulière, qui a vécu beaucoup de choses en marge de la scène. Lorsque je suis arrivé au Teatro nacional, je me suis dit que c’était le bon moment pour essayer de la convaincre de monter, pour la première fois, sur le plateau en tant qu’interprète d’une pièce.
Et elle a accepté avec pour condition de ne pas figurer au générique en tant qu’actrice, mais en tant que souffleuse…
T. R. : Oui, car si Cristina Vidal a accepté de monter sur scène, c’est pour faire ce qu’elle sait faire, c’est-à-dire souffler. A partir de là, j’ai commencé à imaginer quels comédiens je pouvais inviter pour l’entourer. J’ai réuni des artistes que j’ai dirigés par le passé, des artistes qui la connaissent bien, qui ont déjà travaillé avec elle au Teatro nacional.
Quelles questions pose la mise en présence sur un plateau de théâtre, à la vue du public, d’une souffleuse et de comédiens ?
T. R. : Tout cela est encore en travail. J’écris au fur et à mesure des répétitions, en expérimentant l’après-midi avec les comédiens ce que j’ai imaginé le matin. Ce que je peux déjà dire aujourd’hui c’est qu’on se rend compte, jour après jour, que le geste de proposer à une souffleuse de monter sur scène revient à rendre visible ce qui est normalement invisible, revient à parler des coulisses du théâtre, de son souffle, de ce qui est habituellement en arrière-plan de la représentation. Nous nous interrogeons également beaucoup sur ce que ce geste peut révéler de l’extérieur, du monde…
« Si Cristina Vidal a accepté de monter sur scène, c’est pour faire ce qu’elle sait faire, c’est-à-dire souffler. »
Avez-vous déjà ébauché des débuts de réponses ?
T. R. : Une souffleuse est une personne qui œuvre à la frontière entre la scène et la vie. Cette situation éclaire de façon très intéressante la relation forte qui met en rapport le théâtre et la société. On essaie tous ensemble, comédiens et équipe artistique, de chercher quelles sont les questions qui peuvent se cacher derrière la métaphore que propose cette présence. Car nous ne voulons pas nous contenter d’un hommage rendu à une femme de théâtre, d’un discours solennel ou pamphlétaire… Bien sûr, tout cela sera présent, mais nous cherchons avant tout comment inventer une représentation à partir du souffle de la souffleuse. Cela, en explorant ce qui resterait si tous les théâtres étaient amenés à fermer… Il resterait peut-être simplement la souffleuse, qui représente en quelque sorte le poumon du bâtiment qu’est le théâtre.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
à 22H, relâche le 11. Tél : 04 90 14 14 14. Spectacle en portugais surtitré en français. Durée estimée : 1h45.
L’auteur et metteur en scène suisse Dominique [...]