« Immaqaa ici peut-être » de Mathurin Bolze, une pièce lumineuse
Inspiré par l’Arctique, Mathurin Bolze signe [...]
Parlons de Marie Cardona, l’amante effacée de Meursault… Librement inspirée du roman de Camus, la fine et énergique adaptation de Jean-Baptiste Barbuscia déploie une bienfaisante enquête qui célèbre la réciprocité de la transmission.
C’est une réécriture, une enquête, un déploiement : à partir de l’écheveau d’une histoire emblématique un fil rouge est habilement tiré, qui emporte dans des directions inattendues et désordonnées, qui éclaire des personnages secondaires soudain devenus importants, qui donne corps à des enjeux humains en écho à la vie et l’écriture de Camus. Au départ a lieu un rendez-vous entre un professeur passionné par son sujet, non nommé, et une élève peu motivée, Marie, qui propose d’envisager l’histoire sous un jour nouveau. Parlons de Marie Cardona, suggère-t-elle. En accordant à l’amante de Meursault un rôle central, elle s’élève contre l’omniprésence des hommes dans le roman. Au lieu d’éclater en sanglots sans s’expliquer, Marie ici prend la parole, elle témoigne au procès, elle s’adresse aux autres personnages de l’histoire, du vieux M. Perez au violent Sintès, du concierge à Céleste qui tient un restaurant. À partir d’une note trouvée dans un exemplaire de L’Étranger, Marie fait émerger sa contre-enquête, à la recherche de ce qui est demeuré tu, d’un nouveau champ de possibles. « Aujourd’hui, Meursault est mort. Ou peut-être il y a douze ans. » dit-elle, laissant ses mots à elle prendre la main face à l’énigme du solitaire et taiseux Meursault, face à son amour pour lui, dans un acte qui libère son élan créatif – celui de Marie l’élève et de Marie l’amante.
Faire cause commune
La pièce cependant ne s’appesantit pas sur la dénonciation de ce qui relève d’une autre époque dans une Algérie coloniale, ni sur une lecture féministe, préférant creuser une voie ouverte vers l’inconnu. Celle d’une libre réinvention qui célèbre la puissance de l’imaginaire, de la transmission. Enjambant les époques, le jeu se fait révélateur et jubile de ses capacités. La partition révèle ainsi un champ de possibles connections entre fiction et réalité, révèle aussi et surtout la beauté d’une relation où l’un apprend de l’autre et vice versa. Cet aspect est très réussi. C’est donc à propos que le théâtre affirme ses effets, des lumières de Sébastien Lebert à la bande sonore concoctée par Benjamin Landrin, des images assemblées sur un tableau à l’occupation de l’espace par les protagonistes. Évitant l’écueil de perdre en route le spectateur, cette théâtralité agencée avec soin rend la confrontation très vivante. Faisant preuve d’une belle énergie et d’une forte détermination, Marion Bajot est parfaite dans le rôle de Marie. Fabrice Lebert interprète le professeur mais aussi une multitude de personnages avec une fluidité et une précision sans faille. Après avoir reçu le Prix Nobel en 1957, Camus écrivit une lettre à son instituteur Monsieur Germain : « Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » Le jeune auteur et metteur en scène cite quant à lui volontiers l’importance de sa professeur de français qui en classe de première lui donna le goût de la littérature. Et puisque Jean-Baptiste est le fils de Serge Barbuscia, fondateur et directeur de la scène permanente du Théâtre du Balcon, on se dit qu’en effet la transmission fait son œuvre…
Agnès Santi
à 20h, sauf dimanche 6 à 16h. Puis du 5 au 26 juillet à 13h30, sauf le jeudi. Tél : 04 90 85 00 80. Durée : 1h15.
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