Reprise de « L’Absolu », écrit et mis en scène par Boris Gibé
Dans un « Silo » en tôle de neuf mètres de [...]
Le metteur en scène et co-directeur, avec Marion Coutris, du Théâtre des Calanques, Serge Noyelle, iconoclaste dont on sait le goût pour la création contemporaine, choisit de mettre en scène l’une des pièces phares du répertoire classique. À la figure du Tartuffe moliéresque, dans la lettre du texte, il trouve une pertinence plus actuelle que jamais.
Pourquoi monter Tartuffe aujourd’hui ?
Serge Noyelle : Depuis Molière, combien de Tartuffe avons-nous croisés ? Les imposteurs aujourd’hui ne sont-ils pas légion ? Nous vivons dans un monde qui appelle à réveiller l’esprit critique. Ne sommes-nous pas nous-mêmes fascinés comme Orgon ? C’est à partir du microcosme familial, du clan, de la fratrie, que les éléments critiques sont mis en scène. Une famille presque exemplaire, où le patriarche, Orgon, et sa femme, Elmire, accueillent un usurpateur qui trompe, ment et se travestit en « homme de bien ». Ce dernier est promis au mariage avec la fille, déjà engagée, courtise la mère et spolie la maisonnée de tous ses biens. Tartuffe est un modèle ; il est l’exemple de l’homme en société tel que la norme le définit. La norme génère l’imposture. Nous devons nous en méfier. Tartuffe est d’une brûlante actualité.
Quels ont été vos grands axes de travail ?
S.-N : Comment un homme peut-il entrer dans une famille et complètement la bouleverser ? Comment Orgon peut-il être à ce point déstabilisé, envoûté par Tartuffe ? Il n’écoute rien ni personne, manifestant au plus haut point qu’« écouter est le contraire d’entendre ». La pièce aurait presque pu s’appeler « Orgon ». Cet Orgon complètement aveuglé qui voue de façon incompréhensible son admiration, sa dévotion et son amour sans bornes à Tartuffe. Orgon, ce personnage si trouble et, dans le fond, si troublé, qui cède à la comédie des apparences et plonge dans l’obscur. Pourquoi ? Les masques opèrent comme des révélateurs. Un monde veut rire et s’amuser, un autre réclame l’ordre moral, quitte à user de mauvaise foi, à prôner l’hypocrisie et la trahison.
Parlez-nous de vos choix sur le plan de la distribution. À quelle volonté obéissent-ils ?
S.-N : Tout le bonheur de la pièce de Molière, qui pose un regard à la fois lucide, cruel et ironique sur ces ressorts humains, trop humains de nos existences, repose sur l’instabilité de la parodie, de l’humour et de la tragédie. On rit, et on pourrait pleurer en même temps. C’est pourtant du théâtre, essentiellement. Une invitation est faite aux acteurs à balancer et contrebalancer leur jeu pour s’interroger à tout moment et pouvoir osciller entre comédie et tragédie. J’ai fait le choix de jeunes acteurs professionnels. J’y vois l’opportunité de transmettre toute l’énergie et la vitalité de cette pièce tout en mettant en relief son retournement tragique grâce à leur jeunesse, leur engagement théâtral. Tartuffe lui-même, incarné par Lucas Bonetti, est aux antipodes de l’image du pieux décati. Il est peut-être le plus séduisant de tous les acteurs de la distribution.
Propos recueillis par Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Dans un « Silo » en tôle de neuf mètres de [...]
Après sa déprogrammation à la Comédie de [...]
Le Forum Jacques Prévert coordonne chaque [...]