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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Gros Plan

Santa madera

Santa madera - Critique sortie Théâtre Evry Théâtre de l’Agora
Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman dans Santa madera. © Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de l’Agora / conception Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman

Publié le 23 novembre 2017 - N° 260

Inspirés par un rituel sud-américain, Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman développent autour de la roue Cyr un vocabulaire complexe et merveilleux pour dire la fraternité au-delà des différences.

Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman ont beau avoir été formés au Centre National des Arts du Cirque (CNAC) où ils se sont rencontrés en 2013, le cirque appartient pour eux au domaine du magique. Du rite. Artiste suisse ayant grandi au Costa Rica, initié aux arts de la piste et à la musique dès l’âge de 13 ans, Stefan Kinsman le signifie dès les premières minutes de Santa madera, créé début 2017 après le très remarqué Somnium. Torse nu, des seaux remplis de terre rouge à la main, le rouquin au physique de danseur trace un cercle au centre de la piste. Lentement, comme si de la précision de ses gestes dépendait la réussite de la suite. La qualité de son ancrage au sol en même temps que de sa capacité d’élévation. Si la roue Cyr, qu’il fait bientôt entrer à l’intérieur de sa frontière terreuse, est l’un des agrès les plus récents de l’histoire du cirque et les moins efficaces en matière de lutte contre la gravité, elle devient en effet ainsi outil de communication avec l’au-delà. Cela d’après une croyance de peuples indigènes d’Amérique du Sud – les Incas et les Quechuas –, selon laquelle le Palo santo ou bois sacré d’Amazonie permet d’éloigner les mauvais esprits, de se rapprocher des dieux et de faciliter les relations humaines, aussi bien sur le plan intime que communautaire. À condition de le faire brûler d’une manière précise, répétée de génération en génération.

Roue magique

En plus de métisser la pratique de leur agrès favori avec les disciplines rencontrées tout au long de leurs parcours voyageurs – la musique, et la danse pour Juan Ignacio Tula –, les deux artistes imaginent donc une façon singulière de relier leur art à une tradition autre que celle du cirque. Chose rare dans le paysage du nouveau cirque, largement autoréférentiel. Et d’autant plus remarquable qu’ils le font sans lester leur travail de bons sentiments. Dans leur roue Cyr et en dehors, les deux garçons sont en effet loin de se tomber dans les bras ou de dialoguer paisiblement avec l’autre monde qu’ils convoquent. Bien brun, plus trapu que son compagnon, Juan Ignacio Tula prend souvent le dessus sur lui. Non sans une certaine brutalité. Chacun avec son style et ses techniques, les prodiges de la roue Cyr s’inventent alors une fraternité tout en nuances qui n’appartiennent qu’à eux. Une entente patchwork faite de références piochées un peu partout, puis transformées en gestes inscrits dans les différents cercles qui composent Santa madera. L’éclectique et envoûtante musique de Gildas Céleste ainsi que la lumière crépusculaire de Jérémie Cusenier font le reste. Comme le Belge Alexander Vantournhout et une poignée d’autres circassiens, Stefan Kinsman et Juan Ignacio Tula consolident ainsi l’autonomie de leur bel agrès.

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Santa madera
du mardi 19 décembre 2017 au mercredi 20 décembre 2017
Théâtre de l’Agora
Allée de l'Agora, 91000 Évry, France

à 20h. Durée du spectacle : 55 mins. Tel : 01 60 91 65 65. www.theatreagora.com. Également les 8 et 9 février 2018 au Domaine d’O à Montpellier, les 20 et 21 février au Merlan à Marseille, le 24 mars au festival SPRING – plateforme de 2 pôles cirque en Normandie – Cherbourg, le 25 mai au Théâtre de Rungis. Vu en août 2017 au festival La Route du Sirque à Nexon (87).

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