Cosmos
Habitué des textes non théâtraux, le metteur [...]
Le metteur en scène Yves Beaunesne plonge Roméo et Juliette dans la Belgique bilingue de ce début de XXIème siècle. Capulet flamands, Montaigu wallons : une création enjouée, qui conjugue gags parodiques et effets d’actualisation.
Pour faire sien ce monument du répertoire théâtral qu’est Roméo et Juliette, le metteur en scène Yves Beaunesne a regardé du côté de sa Belgique natale et de sa propre histoire familiale. Fils d’une mère wallonne et d’un père flamand, le directeur du Centre dramatique national Poitou-Charentes a souhaité revisiter le monde des Capulet et des Montaigu à travers le prisme contemporain des divisions communautaires belges. Un clan néerlandophone, un autre francophone, une jeunesse qui surfe sur des tablettes numériques, toutes sortes de clins d’œil humoristiques : cette version belge et facétieuse de la pièce de Shakespeare (la traduction est de Marion Bernède, qui signe également, en collaboration avec Yves Beaunesne, l’adaptation et la dramaturgie du spectacle) donne corps à un « ici et maintenant » favorisant la légèreté du texte au détriment de sa profondeur dramatique. Tout en énergie, les douze comédiens belges (Juliette est interprétée par Mathilde Casier, Roméo par Gilian Petrovski) créent une quotidienneté souvent parodique qui, jusqu’à ce que la mort vienne assombrir la pièce, laisse peu de place à l’émotion.
Une mise en lumière des dissensions belges
Les évidences qui pourraient alimenter la puissance universelle de Roméo et Juliette ont, ici, du mal à exister. Au cours des cinq actes de la pièce, la représentation conçue par Yves Beaunesne ne parvient jamais vraiment à imposer le saisissement du coup de foudre, le trouble de l’amour impérieux unissant les deux adolescents, la grâce à la fois fougueuse et innocente de ces deux êtres préférant mourir plutôt que de vivre l’un sans l’autre. Centrée sur la fracture qui oppose les familles Capulet et Montaigu, cette actualisation wallono-flamande des amants de Vérone possède les qualités de ses défauts. Enjouée, concrète, elle fait preuve d’une indiscutable efficacité théâtrale, nous place au plus proche de cette histoire de la fin du XVIème siècle. Mais elle perd, dans cet élan démonstratif, une part du charme et du mystère qui font de Roméo et Juliette, au-delà même de la dimension mythique de cette pièce, l’une des plus belles explorations de l’absolu amoureux.
Manuel Piolat Soleymat
Habitué des textes non théâtraux, le metteur [...]