La Terrasse

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Théâtre - Entretien

Qui a peur de Virginia Woolf

Qui a peur de Virginia Woolf - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Œuvre
Le metteur en scène Alain Françon. Crédit : Michel Corbou

Théâtre de l’Œuvre / d’Edward Albee/ mes Alain Françon

Publié le 18 janvier 2016 - N° 239

Alain Françon dirige Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff, Pierre-François Garel et Julia Faure dans Qui a peur de Virginia Woolf d’Edward Albee. Il plonge les quatre comédiens dans un espace abstrait traversé par des pointes de réalité. 

Qu’est-ce qui vous a mis sur le chemin de Qui a peur de Virginia Woolf ?

A. F. : L’impulsion première n’est pas venue de moi. Ce sont deux acteurs – Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff – qui m’ont demandé si je voulais bien travailler avec eux sur ce projet. Et au départ, je dois dire que je n’étais pas sûr d’être la personne adéquate pour mettre en scène ce texte. Mais je l’ai relu et ai découvert, dans un ouvrage d’études sur la logique de la communication, une analyse sur Qui a peur de Virginia Woolf que je ne connaissais pas. Ça a été pour moi une révélation. Car les auteurs de cette recherche, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, n’ont pas travaillé sur le schéma d’un couple qui se déchire.

Sur quoi ont-ils travaillé ?

A. F. : Sur la forme. Ils ont essayé de comprendre les règles précises qui régissent les relations de George et Martha (ndlr, couple central de la pièce, interprété par Wladimir Yordanoff et Dominique Valadié). Ces règles correspondent à un protocole de survie établi entre ces deux personnages, ou plutôt un protocole d’entraide. Quand on lit la pièce dans ce sens-là, cela devient passionnant. Je me suis donc dit que je pouvais peut-être essayer de la mettre en scène…

Pourquoi, initialement, pensiez-vous ne pas être la personne adéquate pour cela?

A.F. : Parce que je ne suis pas un grand spécialiste de l’épanchement sentimentalo-hystérico-affectif au théâtre… J’ai monté beaucoup de pièces de Bond. Je préfère étudier des lignes de conduites et des processus. Mais à travers cette nouvelle lecture de la pièce, je me suis aperçu que le couple formé par George et Martha traverse, par le biais du langage, des tas de situations comportant des règles et des tactiques. Comme dans une guerre. Ils vivent tous les deux, par exemple, avec le mythe d’un enfant qui n’existe pas. Et du fait même qu’il est fictif, cet enfant est encore plus que vivant. L’une des règles de l’existence mythique de ce fils est de ne pas en parler en dehors du couple. Or Martha rompt ce pacte. Elle parle de lui au jeune couple qui est présent, chez eux, ce soir-là… La pièce n’est finalement que la destruction de ce mythe constructeur. Au troisième acte, George décide – par le langage, bien sûr, puisqu’il n’existe pas – de mettre ce fils à mort…

« Ce que je trouve fascinant, c’est la force expressive du langage chez Albee. »

Finalement, qu’est-ce qui vous interpelle le plus dans cette pièce ?

A. F. : Ce que je trouve fascinant, c’est la force expressive du langage chez Albee (ndlr, la traduction est de Daniel Loayza). En un certain sens, il est presque beckettien. Dans Qui a peur de Virginia Woolf, le langage donne naissance à une véritable lutte textuelle entre les personnages. Contrairement à ce qui est généralement admis, ici, ce n’est pas l’âme qui est prisonnière du corps, mais le corps qui est prisonnier de l’âme. D’ailleurs, ma mise en scène n’est pas du tout naturaliste. Elle installe un espace abstrait au sein duquel percent des pointes de réalité.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Qui a peur de Virginia Woolf
du vendredi 8 janvier 2016 au dimanche 3 avril 2016
Théâtre de l’Œuvre
55 Rue de Clichy, 75009 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 44 53 88 88. www.theatredeloeuvre.fr

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