Cheb de Filipe Lourenço
Le chorégraphe passionné des traditions [...]
C’est l’un des grands moments de ce festival 2022. Raoul Fernandez, seul sur scène, sous la direction de Marcial Di Fonzo Bo. Le comédien d’origine salvadorienne se raconte à travers les mots de Philippe Minyana. Une proposition d’une sincérité et d’une vérité absolues. Et d’une infinie tendresse.
C’est un véritable choc. De ceux que nous réserve le théâtre lorsqu’il est au plus beau. Au plus ardent. Au plus juste et au plus généreux. De ces chocs qui adviennent lorsque le miracle de la scène opère. Dans Portrait de Raoul (texte publié aux Editions Les Solitaires Intempestifs, le spectacle a été créé le 15 octobre 2018 à La Comédie de Caen – CDN de Normandie), il est d’ailleurs question de ce genre de miracles. Car en s’emparant des mots d’une finesse et d’une sensibilité saisissantes de Philippe Minyana (le dramaturge a écrit ce monologue à la suite d’une série d’entretiens avec Raoul Fernandez), en nous disant qui il est, d’où il vient, en dévoilant les envies et les passions qui l’ont constitué, les évidences qui l’ont amené à voyager, à se transformer, à vouloir que son corps devienne celui d’une femme, à revenir à son apparence d’homme, le comédien fait aussi une déclaration d’amour au théâtre. Et à Paris, qu’il a choisie comme terre d’exil pour apprendre l’histoire du costume à l’université.
Un maelström d’émotions
Il est ensuite devenu habilleuse pour un autre Raúl : Raúl Damonte Botana, alias Copi, qui jouait alors sa pièce Le Frigo. Puis, il a été engagé comme costumière pour Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris, est devenu comédien pour Stanislas Nordey, a travaillé à la Comédie-Française avec Marcial Di Fonzo Bo… Tout cela, Raoul Fernandez nous le raconte les yeux dans les yeux, le regard espiègle, délicat, complice, le visage illuminé par son inclassable sourire, qu’il soit sur le point de rire ou avec des larmes qui montent. Il enfile une perruque, change de robe, nous parle de sa famille, étend sur le plateau des bandes de tissus bigarrés (la mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo est un modèle de netteté et de lucidité). Et puis il chante. En espagnol. Des chansons qui sont comme des respirations, comme des secrets qui soulèvent l’âme. Raoul Fernandez ne fait jamais semblant. Il est d’une droiture pleine de souplesse. « Je vis comme un homme et je pense comme une femme », nous dit-il, à la fin de ce spectacle coup de poing de 55 minutes. Il est tout simplement un être unique. Un artiste bouleversant.
Manuel Piolat Soleymat
à 14h05. Relâche les 12, 19 et 26 juillet. www.11avignon.com. Durée : 55 minutes
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