La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Philippe Calvario

Philippe Calvario - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 mai 2012 - N° 198

Une passion sanglante et carnassière

Philippe Calvario met en scène Les Larmes amères de Petra von Kant, de Fassbinder, et confie à Maruschka Detmers le rôle de Petra, prise dans le feu dévorant de son amour total pour Karine.

« Petra est une héroïne tragique, au même titre que Phèdre. »

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce monde exclusivement féminin ?

Philippe Calvario : Les pièces composées exclusivement de personnages féminins sont assez rares : à en voir leur émotion après la représentation, les spectatrices sont d’ailleurs très touchées par ce geste. Ce n’est pas une pièce sur l’homosexualité féminine ; il se trouve que Petra tombe éperdument amoureuse d’une femme à un moment de sa vie ou elle semble dégoûtée des hommes. Fassbinder aborde la sexualité de cette femme un peu comme il pourrait l’aborder pour un homme : à savoir une femme moderne, qui choisit sa vie absolument et entièrement, et qui est totalement libre avec sa sexualité. Le public est très touché également par le parcours de toutes les figures qui l’entourent : l’amante, la fille, la mère, l’amie et le factotum… En ce sens, Fassbinder met en place un travail de laboratoire dans son écriture : il met en présence six personnalités très fortes, qui vont se confronter à travers leurs différences. Petra est une héroïne tragique, au même titre que Phèdre. Seulement Fassbinder joue ici sur deux registres, il commence sa pièce quasi comme un drame bourgeois, et il bascule progressivement vers le tragique total. J’aime la confrontation de ces deux styles.

Vous insistez sur le rapport entre le mentor et la muse. Pourquoi ?

P. C. : Parce que c’est un sujet qui me constitue. J’ai été  moi-même proche d’un mentor, qui m’a appris beaucoup, qui a pris une place de père, de meilleur ami, etc. Ce rapport  peut aussi emprisonner, peut enfermer notre propre création, surtout quand on est face à un génie. Il faut trouver sa place, ce que fait Karine dans la pièce. On sait que Fassbinder traite toujours l’amour en terme de pouvoir d’un personnage sur l’autre. Et dans la pièce, on constate aussi que le pouvoir n’est pas forcément où l’on croit. Comme dans les rapports de dominants et dominés, c’est toujours le dominé qui fixe les règles et les limites, c’est toujours lui qui mène la danse, même si on peut d’abord penser le contraire. 

Maruschka Detmers : pourquoi elle ? Qu’apporte-t-elle à Petra ?

P. C. : Elle lui apporte tout : la chair et le sang, mais au sens propre. Elle est d’une concentration et d’une implication totales, au point même de pouvoir se faire mal comme actrice. Mais la pièce joue aussi avec ça : le mal qu’on est capable de s’infliger. Ce serait une pièce pour rien s’il n’y avait pas cet engagement absolu de l’actrice qui joue Petra (et des cinq autres également bien sûr). Maruschka est le cœur qui influe le sang au spectacle ; en tant que metteur en scène, je repose sur elle. Ce qui est beau, c’est que dès qu’elle a tout donné, quand elle retourne en coulisse, tout est fini ; tout a été donné. Il y a comme un soulagement : c’est la preuve aussi d’une actrice sublime. C’est une actrice exceptionnelle, magique. Je ne suis pas responsable de cette magie, je peux juste la recueillir, et les spectateurs aussi, je l’espère.

 

Propos recueillis par Catherine Robert


Les Larmes amères de Petra von Kant, de Rainer Werner Fassbinder ; mise en scène de Philippe Calvario. Du 22 mai au 9 juin 2012. Mardi à 19h ; du mercredi au samedi à 20h ; matinée exceptionnelle le 3 juin à 16h. Athénée-Théâtre Louis-Jouvet, square de l’Opéra Louis-Jouvet, 7, rue Boudreau, 75009 Paris. Tél : 01 53 05 19 19.

A propos de l'événement


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