La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Partage de midi

Partage de midi - Critique sortie Théâtre
Crédit : Hervé Bellamy Légende : Mésa (Pierre Baux) et Ysé (Cécile Cholet) succombent aux appels de la chair.

Publié le 10 avril 2010

Antoine Caubet signe une version dense, sombre, intrigante de Partage de Midi. Une version qui met en jeu les énigmes de l’âme claudélienne à travers une déambulation au sein du Théâtre de l’Aquarium.

Tout s’ouvre sous la lumière crue du hall d’accueil de L’Aquarium. L’espace n’a pas été aménagé de façon particulière. On retrouve, ici, les bancs et les tables sur lesquelles les spectateurs ont l’habitude de s’installer pour une soupe ou un verre avant le début des spectacles. L’équipe du théâtre a seulement pris soin d’ajouter des chaises dont le public peut se saisir pour se placer où bon lui semble, en face de tables mises bout à bout sur lesquelles Pierre Baux (Mésa), Antoine Caubet (Amalric), Cécile Cholet (Ysé) et Victor de Oliveira (De Ciz) monteront comme sur le pont du paquebot menant en Chine les personnages de Partage de midi. Le premier acte achevé (le drame de Paul Claudel en comporte trois), c’est vers le plateau de la grande salle que l’assistance est amenée à se déplacer. Là, au sein d’un dispositif circulaire entièrement dépouillé, s’affirmeront peu à peu toutes les qualités d’une mise en scène profonde et personnelle. Une mise en scène tranchée qui oppose clarté et obscurité, moments de silence et beauté du vers claudélien, assauts de la chair et revendications de l’esprit.
 
Une lente descente vers les replis de l’âme et de la vie
 
Le début de la représentation ne laissait pourtant pas présager une telle réussite. Tout paraissait alors comme forcé, comme trop facilement expressif. Mais du hall au grand plateau, pour en arriver à la petite salle de L’Aquarium, la proposition d’Antoine Caubet finit par nous embarquer dans un voyage ambitieux et troublant. Un voyage secret, au plus intime de la passion, des dilemmes moraux, de la souffrance amoureuse, des atermoiements de la conscience… Telle une lente descente vers les replis de l’âme et de la vie, ce spectacle renvoie chaque spectateur à sa propre écoute du poème, à son propre imaginaire. Cela par le biais de tableaux et d’atmosphères qui font appel à une grammaire scénique à la fois concrète et métaphorique. Fureur de la chair, dans un deuxième acte soumis aux injonctions des corps et aux vibrations telluriques. Rémanence de l’esprit, dans un troisième acte sépulcral voyant les destins tragiques s’accomplir et le monde se déchirer pour laisser percevoir la possibilité du spirituel. S’achevant sur un jeu d’ombres et de lueurs d’une puissante beauté, ce Partage de midi révèle des résonances poignantes et implacables. Des résonnances qui trouvent comme ultimes échos les adieux d’un Mésa s’en allant « dans la splendeur de l’août, L’Esprit vainqueur dans la transfiguration de Midi ! ».
 
Manuel Piolat Soleymat


Partage de midi, de Paul Claudel (version de 1905, Editions Poche/Gallimard) ; mise en scène d’Antoine Caubet. Du 7 au 25 avril 2010. Du mercredi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et 20h30, le dimanche à 16h. Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris. Réservations au 01 43 74 99 61. Durée de la représentation : 2h15.

A propos de l'événement


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