La Ribot, une œuvre et ses métamorphoses
L’artiste espagnole n’a jamais cessé de [...]
La toute nouvelle pièce d’Akram Khan prend des allures d’épopée pour mieux parler du monde d’aujourd’hui. Au risque d’épuiser la danse dans une dramaturgie sans fin.
Ce qu’on aime chez Akram Khan, c’est avant tout la richesse d’une écriture qu’il a su inventer en puisant dans des références multiples, lui le maître de danse classique indienne dont il révéla la puissance et la porosité sur les plus grandes scènes contemporaines. Il en découle un geste d’une grande beauté et toujours virtuose, des déploiements de bras jusqu’au bout des doigts, une fluidité extrême, un ancrage profond dans le sol et une ligne de mouvement qui dessine et tranche l’espace sans artifice. On aime également sa propension à aller vers l’autre, à se nourrir de ses rencontres, cherchant l’humain avec autant de grâce chez Sylvie Guillem, Juliette Binoche, que chez Sidi Larbi Cherkaoui ou Israel Galván. Alors que dire d’Outwitting the devil, sa dernière création ? Assurément une pièce dont on reconnaît la signature. Et pourtant, même si la danse ne déroge pas au savant et fameux métissage du chorégraphe, elle ne résiste pas à une dramaturgie qui réduit les corps en un va-et-vient binaire entre attraction et répulsion.
Quelle danse pour quel discours ?
Qu’est allé faire Akram Khan dans cette tentative de narration, puisée notamment dans l’Epopée de Gilgamesh et autres mythes et récits collectifs ? Devant ce répertoire d’actions faisant se rencontrer les corps puis les opposer, mâtinées d’arts martiaux pour mieux appuyer la tension et le danger, ne filtre aucune émotion, sinon celle de l’admiration des danseurs virtuoses. Même Dominique Petit, que le petit monde de la danse française se réjouissait de retrouver sur scène, se perd dans un personnage constamment hagard. Quant au discours sur la nature et la folie de l’homme, il se dilue dans un déploiement constant de danse, un usage du geste à outrance trop bavard et trop décoratif. Seule la scénographie minérale de Tom Scutt tire son épingle du jeu, en accord avec l’écrin de la Cour d’Honneur du Palais des papes d’Avignon dans lequel nous avons vu le spectacle.
Nathalie Yokel
à 20h. Tél. : 01 42 74 22 77. Spectacle vu au Festival d’Avignon.
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