Le feu, la fumée, le soufre, d’après Christopher Marlowe, mise en scène Bruno Geslin
Avec Jean-Michel Rabeux, Bruno Geslin adapte [...]
Ghislaine Beaudout met en scène le texte savamment construit par Catherine Benhamou sur les humiliations et le cynisme retors des pratiques du capitalisme néolibéral. Un spectacle glaçant et efficace.
Le néocapitalisme, comme le remarquent Luc Boltanski et Eve Chiapello, a récupéré la « critique artiste » en transformant les travailleurs en acteurs adaptables, flexibles, polyvalents et autonomes. Rien de mieux, donc, que le théâtre, pour préparer les salariés à être « remerciés » et « débarqués ». Ces euphémismes habiles cachent la cruauté des rapports de force dans un monde où les employés sont des pions jetables dont la force de travail ne sert qu’à augmenter la fortune de leurs dirigeants. Que ceux à qui l’exploitation ne convient pas démissionnent : ils sont remplaçables. Après avoir fait elle-même l’expérience de l’animation en entreprise, Catherine Benhamou a écrit l’histoire de Nina. Pour manger, la jeune comédienne accepte d’organiser un stage de théâtre dont le but est de faire partir les employés sans avoir à les mettre à la porte avec fracas. Ghislaine Beaudout use des ressorts de la scénographie mobile (Clara Georges Sartorio) et de l’environnement sonore (Vincent Guiot) pour installer le piège mortel dans lequel sont enfermés les victimes de cette manipulation perverse et glaçante. Les panneaux qui composent le décor ne cessent de bouger, enfermant toujours davantage les cobayes de cette expérimentation détestable.
Une mouette mazoutée par le néocapitalisme
Adèle Jayle offre son physique de jeune première candide et fragile à Nina, manipulée par l’excellent Renaud Danner, qui incarne avec grand talent le responsable de cette farce managériale qui tourne au carnage. Violaine Fumeau et Adrien Michaux complètent la distribution de ce thriller où les assassins sont des chefaillons en costume et les victimes des benêts consentants qui, comme toujours lorsque la servitude est volontaire, acceptent le principe de l’humiliation en pensant y échapper. La pièce, claire et précise comme un traité d’entomologie, dissèque les rouages de la mécanique néolibérale : les comédiens l’interprètent avec une conviction et une sincérité qui font froid dans le dos. Reste à savoir, à la fin, ce qui est le plus à déplorer face au spectacle d’un tel massacre : le cynisme des salauds ou la bêtise de leurs victimes résignées.
Catherine Robert
à 20h sauf le 9 avril à 19h30 (représentation suivie d’une rencontre avec la sociologue Danièle Linhart et Catherine Benhamou). Le 14 avril à 14h30. Relâche le dimanche et le lundi 18 avril. Tél. : 01 46 28 80 94.
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