La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Nina, c’est autre chose

Nina, c’est autre chose - Critique sortie Théâtre
Photo : ArtComArt/Pascal Victor Trio à l’essai (Régis Royer, Luc-Antoine Diquéro et Léna Bréban)

Publié le 10 juin 2009

Guillaume Lévêque ouvre avec délicatesse les portes du « théâtre de chambre » de Michel Vinaver. Avec Luc-Antoine Diquéro en ouvrier lumineux, et les acteurs Léna Bréban et Régis Royer.

La pièce Nina, c’est autre chose (1976) fait partie du « théâtre de chambre » de Vinaver, un cadre dans lequel s’épanouit une relation amoureuse triangulaire. Dans cette approche de l’amour à trois, on trouve un peu de Jules et Jim de Truffaut transposé hors de la littérature, loin de la Nature et de ses paysages. Également, un peu de l’esprit libertaire des années post-68 quand soufflait le vent fort d’un principe de vie rafraîchissant. Au milieu d’une existence masculine confinée dans les seules relations de travail et les liens familiaux, s’impose la majesté incontrôlable du désir amoureux. C’est la figure de la jeune Nina (Léna Brébant), introduite dans le foyer de deux frères, qui joue le rôle du chiot dans un jeu de quilles. Au milieu du salon, elle installe une baignoire pour bains collectifs. Cette mine réjouie est bienfaisante pour ces célibataires endurcis dont la petite vie ordinaire est réglée comme du papier à musique. Les tâches quotidiennes de la cuisine et du ménage sont réparties entre l’aîné (Luc-Antoine Diquéro), ouvrier d’entreprise, et le cadet (Régis Royer), employé coiffeur. Au jour le jour, peu d’espace pour l’imaginaire.

Un peu de sexe, de syndicalisme, de racisme et d’art culinaire

Les personnages chez Vinaver ne « vivent » qu’à travers une reconnaissance identitaire vécue dans la seule activité professionnelle. Rapports de classe et de pouvoir, l’ouvrier et le coiffeur existent ou non, selon leur position dans la hiérarchie et s’ils consentent ou pas aux humiliations de leur supérieur. C’est le langage qui traduit leur soumission ou leur puissance. Les paroles décalées s’imbriquent les unes les autres dans une distribution alternée, s’amusant des fils ténus des conversations qui jamais ne s’emmêlent. Un peu de sexe, de syndicalisme, de racisme et d’art culinaire. L’univers est là avec ses Chinois et leurs tremblements de terre, ses émigrés et leurs fourberies de peuples piétinés, ses employeurs harcelant les femmes ici et ailleurs. N’en déplaise aux frères, Nina part avec un peintre, réfugié tchécoslovaque : « Pendant qu’il peint je prends des photos je photographie tout il m’a appris à regarder. » Cette apparition féminine a été vécue comme une tempête, un salut, et le spécialiste du veau aux épinards accepte enfin que le profane  prépare des merguez purée. Belle conviction de Luc-Antoine Diquéro en chef d’équipe syndicaliste dans l’âme. Sous les pavés, la plage et au tournant, la femme.
Véronique Hotte


Nina, c’est autre chose

De Michel Vinaver, mise en scène de Guillaume Lévêque, du 28 mai au 27 juin 2009, du mercredi au samedi 21h, mardi 19h, dimanche 16h au Théâtre National de la Colline 15, rue Malte-Brun 75020 Paris Tél : 01 44 62 52 52 www.colline.fr

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