On traversera le pont une fois rendus à la rivière
Inventer une nouvelle forme théâtrale en [...]
Sur les traces des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et de Quartett de Heiner Müller, Anne Théron, artiste associée au projet du Théâtre national de Strasbourg, imagine un nouveau face-à-face entre la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont.
« J’ai écrit Ne me touchez pas* parce que je ne voulais plus que les femmes meurent, que l’amour les anéantissent. Je voulais au contraire qu’il les rende fortes et libres. Cela fait des années que je lis et relis Les Liaisons dangereuses. J’ai toujours été intriguée, fascinée, dérangée par ce roman. J’ai toujours senti à quel point Valmont a été profondément ébranlé par Merteuil. D’ailleurs, le titre de mon texte ne renvoie pas à une question de corps, de peau. “Ne me touchez pas”, ça veut dire “ne m’ébranlez pas”. Si j’ai souhaité réinterroger cette histoire, c’est pour essayer de mener autre part les figures qui la composent. Au début de mon travail d’écriture, je pensais construire un ultime face-à-face entre Merteuil et Valmont (ndlr, interprétés par Marie-Laure Crochant et Laurent Sauvage**). Mais je me suis vite aperçue que sans l’intervention d’une autre voix (ndlr, interprétée par Julie Moulier), on s’orientait vers une séance analytique. Et cela faisait de Merteuil un personnage un peu froid, un peu austère, un peu rigide…
Le flux de l’inconscient
Or ce qui m’intéressait, c’était justement de sentir sa fragilité, son désarroi, et en même temps, son chemin vers la lumière, vers l’affranchissement. Valmont, lui, à l’inverse, se dirige vers la poussière. C’est un homme qui a décidé de ne plus voir. Il ne sortira pas de la salle de bain dans laquelle les deux personnages se trouvent. Pourtant, jusqu’au bout, Merteuil essaie de le conduire vers la reconnaissance de l’autre, vers l’amour. Mais il refuse de la suivre. Parce qu’il a peur. Comme je l’ai dit, parallèlement à ces deux êtres, une autre voix s’élève. Une voix qui représente l’endroit de l’imaginaire, du hors-champ, qui permet de trouver le flux de l’inconscient. Ce flux sera aussi pris en charge, comme dans beaucoup de mes mises en scène, par un travail important sur la vidéo, la lumière et le son. Toutes ces dimensions visent à créer de l’émotion en faisant apparaître des espaces inconnus, en éclairant tous les plis et les replis du texte. »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
* Texte lauréat de l’Aide à la création du Centre national du théâtre, publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
Du mardi au samedi à 20h. Le dimanche 4 octobre à 16h. Relâche les lundis et le dimanche 27 septembre. Tél. : 03 88 24 88 24. www.tns.fr
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