Jean-Yves Brignon signe une mise en scène d’Andromaque avec quatre excellents comédiens
Quatre excellents comédiens s’emparent de la [...]
À l’automne 2021, Matthieu Cruciani s’emparait du théâtre de Bernard-Marie Koltès en mettant en scène la matière poétique de La nuit juste avant les forêts. Aujourd’hui, le codirecteur de la Comédie de Colmar se tourne vers Jean Racine. Il crée Phèdre avec Hélène Viviès dans le rôle-titre, accompagnée de Lina Alsayed, Jade Emmanuel, Ambre Febvre, Thomas Gonzalez, Maurin Ollès et Philippe Smith.
Votre mise en scène cherche à saisir le subconscient de Phèdre. Quelles zones d’ombre souhaitez-vous éclairer de la tragédie de Racine ?
Matthieu Cruciani : Le conscient de cette pièce, on le connaît. C’est l’idée du tragique, la culpabilité de Phèdre par rapport à son amour coupable pour Hippolyte, le fils de son époux. Le subconscient de cette histoire, c’est ce qu’elle raconte malgré Racine, qui n’a pas lu Freud, Rilke ou Blanchot. On découvre ainsi le parcours d’émancipation d’une femme qui est retenue captive par l’homme qui l’a enlevée et qui réduit son quotidien à une fonction ménagère : s’occuper de leurs deux enfants. Mais Phèdre va redevenir sujet d’elle-même, de ses désirs, de son existence. Ce qui est à l’œuvre dans cette tragédie, c’est la manière dont une femme s’affranchit de ses aliénations.
De quelle façon appréhendez-vous la prosodie racinienne ?
M.C.: D’abord, je pars du constat qu’une œuvre en alexandrins n’est pas une entité homogène. Si on traite les vers de façon uniforme, quels que soient les personnages, quelles que soient les situations, le texte devient un peu hypnotisant. Certains alexandrins sont des alexandrins de discussion, d’autres d’avancée, d’autres de thématique… Rythmiquement ou dans les sonorités, certains vers se déploient avec plus de majesté que d’autres, avec plus de lyrisme. Il faut être attentif à ces différences, entrer dans le détail du sens, dans le travail de l’auteur, ne pas s’en tenir au vernis. Il y a autant de modulations dans une pièce en alexandrins — peut-être même plus — que dans une pièce en prose.
Comment réinventez-vous le personnage de Phèdre avec Hélène Viviès, la comédienne qui l’incarne dans votre spectacle ?
M.C.: Lorsqu’on monte une tragédie de Racine, le geste de distribution est essentiel. J’ai essayé de trouver des comédiennes et comédiens avec une grande maîtrise technique, mais qui ne soient pas formalistes. C’est-à-dire des interprètes qui s’interrogent sans cesse sur le sens de ce qu’ils disent, qui veillent toujours à instaurer des liens concrets avec les personnages qu’ils incarnent. Hélène Viviès fait preuve de cette hygiène-là. Elle questionne l’endroit de l’émotion, s’attache à éclairer les choses qui la touchent chez Phèdre. Le travail que nous avons effectué ensemble est lié à une pensée de Rainer Maria Rilke, qui dit que chaque être humain a sa propre mort en lui, comme un fruit son noyau, qu’il faut faire en sorte de mourir de sa vraie mort. L’amour de Phèdre pour Hippolyte est une manière extrêmement courageuse, pour elle, de se réapproprier sa vie, jusque dans sa mort.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
Le mardi et le jeudi à 19h, le mercredi et le vendredi à 20h, le samedi à 18h. Tél. : 03 89 24 31 78. Durée : 1h50.
Également les 7 et 8 février 2024 à la Scène nationale de Lons-le-Saulnier, du 13 au 16 février au Théâtre Olympia – CDN de Tours, du 7 au 17 mars aux Gémeaux - Scène nationale de Sceaux.
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