Gwénola David et l’éducation artistique / Parlons-en, faisons le !
Gwénola David dirige ARTCENA - centre [...]
Marjorie Nakache est comédienne et metteuse en scène. Elle a fondé en 1984 le Studio Théâtre de Stains, en Seine-Saint-Denis, réussite exemplaire d’un théâtre de service public à la démarche artistique exigeante et aux actions pédagogiques abouties.
Quel est votre projet au Studio Théâtre de Stains ?
Marjorie Nakache : Notre compagnie existe depuis 1984 et dès le début nous avons eu besoin et envie de travailler sur le terrain avec les élèves et les associations : pour nous, c’était une évidence. Notre pierre angulaire est la création mais nous organisons sans cesse l’aller-retour entre création et créativité. Il ne s’agit pas d’apporter la bonne parole dans un milieu difficile : nous ne travaillons pas pour mais avec les gens. Pendant les années Lang et le leitmotiv du tout pouvoir aux créateurs, nous étions vus comme des socioculturels plutôt que comme des artistes. Après avoir été regardés de haut, notre longévité nous a légitimés, surtout lorsque, constatant que les spectateurs ne sont pas faciles à conquérir, s’est développée la réflexion sur la manière de faire venir de nouveaux publics dans les salles. Nous sommes même devenus des modèles lorsqu’il était de bon ton d’affirmer être capable de faire du théâtre avec les « sauvageons », comme on disait alors. Le problème, pour tous ceux qui nous jugent, c’est que notre motivation est demeurée inchangée : le théâtre est un moyen de parler du monde avec les spectateurs dans leur diversité. Nous sommes très fiers d’avoir des publics mélangés. Pour notre théâtre, cette motivation est une évidence et, personnellement, cela nourrit mon travail de metteur en scène. Je n’ai pas envie de me couper du monde.
Quelles sont les particularités de votre territoire ?
M.N. : Il est difficile mais enrichissant. Gardons-nous de l’angélisme : il y a ici le pire et le meilleur. Le discours des politiques qui exalte l’aspect missionnaire de notre engagement a quelque chose de très méprisant. Nous sommes sur un territoire où il y a des cultures différentes et très riches. Ceux d’ici, adultes et enfants, m’ont souvent apporté des tas de choses, et je suis fatiguée d’entendre dire que le lieu où l’on vit détermine le talent. L’artiste de banlieue, comme le flic de banlieue ou le prof de banlieue en a ras-le-bol que l’on parle de lui en ces termes… Et il en a aussi ras-le-bol de n’exister que dans le discours des autres qui parlent à sa place. C’est l’action qui fait l’individu, plus que la place où il se trouve. C’est pour cela que c’est insupportable que les options théâtre n’existent que dans les lycées généraux pendant que les lycéens professionnels, au prétexte qu’ils sont à cette place-là, n’y ont pas droit, alors qu’ils adorent ça quand on leur propose !
Important, l’accès à la culture ?
M.N. : C’est essentiel ! L’accès à la culture est un droit fondamental, à Stains comme ailleurs. Et l’éducation artistique est aussi nécessaire qu’apprendre à lire et à compter. L’éducation artistique apprend le sens critique, le travail d’équipe. Elle apprend le commun, à vivre ensemble et à trouver sa place, à écouter les autres en s’affirmant en tant que soi. Gérer les disputes, les heurts, les amours, affronter le point d’orgue de la représentation, goûter la valorisation qu’on en retire, être attentif dans l’écoute : tout ça, c’est un apprentissage de la vie. Tout ça, ce sont des valeurs de citoyen. La sensibilisation artistique ne consiste pas à enfermer les élèves dans une bulle. Les arts plastiques, la musique, le théâtre offrent de mieux se connaître pour mieux connaître le monde et les autres. Ils développent les outils de l’émancipation. Cela paraît des grands mots, évidemment, mais je l’ai vu, je le sais, nous le savons tous ici et le fait que 100 % des élèves de l’option théâtre de ce territoire si compliqué obtiennent le bac suffit à en prouver les bienfaits scolaires. L’éducation artistique devrait être obligatoire ! Il serait heureux que les hommes politiques ne paraissent pas redécouvrir les vertus de la pratique artistique comme s’ils étaient les seuls à en avoir eu l’idée. Nous savons faire et nous faisons : écoutez-nous !
Propos recueillis par Catherine Robert
Entretien réalisé dans le cadre de la publication du Carnet n°8 de L’Anthropologie pour tous, intitulé Pour une école des arts et de la culture. A paraître en septembre 2020. oLo Collection Site : www.anthropologiepourtous.com
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