« Honda Romance », création de Vimala Pons avec Tsirihaka Harrivel
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Dans sa mise en scène du Mariage forcé, Louis Arene met tout l’art du masque et du monstre qu’il pratique avec sa compagnie Munstrum Théâtre au service de Molière. L’union est des plus heureuses et décapantes.
La créature tremblante à l’air ahuri, que l’on découvre en même temps que l’espace clos entièrement fait de planches blanchies où elle est comme plantée, dit d’emblée la liberté avec laquelle Louis Arene se saisit du Mariage forcé. Prononçant d’abord des sons inarticulés, puis cherchant sa première réplique parmi les phrases les plus connues de différentes pièces de Molière, le Sganarelle qui nous apparaît n’a de classique que sa perruque aux longs cheveux bouclés. Mais l’accessoire ne résiste pas à l’agitation de son propriétaire. Elle rejoint le sol pentu et, le Sganarelle en piteux état ayant retrouvé sa langue, lui décoche un coup de pied en prononçant le premier des quelques ajouts au texte original réalisés par Louis Arene : « le chat est mort » ! Dans ce Mariage forcé, une chose peut en cacher ou en devenir une autre en un mot ou en un claquement de talon. On reconnaît bien là le langage du Munstrum Théâtre, la compagnie montée en 2012 par Louis Arene et Lionel Lingelser, crédité ici comme collaborateur artistique. Sur le crâne de Sganarelle, un autre des éléments majeurs du vocabulaire du Munstrum surprend le public de la Comédie-Française : le demi-masque collé au visage de l’interprète se prolonge jusque sur son crâne en une fausse calvitie du plus étrange effet. Les personnages de la pièce de Molière rejoignent ainsi la grande et hétéroclite famille créée par le Munstrum, qui s’étend à ce jour de Copi (40° sous zéro) à Shakespeare (Makbeth), en passant par l’univers des séries Z (Zypher Z).
Molière à l’envers, à l’endroit
La réussite de la « munstrumisation » du Mariage forcé est d’autant plus remarquable que ses acteurs ne sont pas les complices habituels de la compagnie, mais à une exception près des sociétaires de la Comédie-Française. La force de l’univers plastique proposé aux comédiens leur offre un cadre solide pour développer un jeu complexe, souvent proche de la pantomime. L’argument de la pièce permet aussi au metteur en scène de verser dans un anti-naturalisme façon Munstrum. Très progressiste pour l’époque, cette comédie-ballet inverse en effet les rôles habituellement attribués à l’homme et à la femme dans les comédies classiques. Sganarelle, qui après une longue et heureuse vie de célibat souhaite épouser la jeune et belle Dorimène, se retrouve humilié et cocufié par celle-ci sans plus pouvoir annuler les noces. Louis Arene fait de renversement des normes un principe dramaturgique qui lui permet de pousser loin les curseurs de la farce et d’en explorer aussi la cruauté. En confiant à Sylvia Bergé le rôle du vieux séducteur et à François de Brauer (le seul comédien extérieur à la Comédie-Française) celui de Dorimène, il fait du jeu un espace de tous les possibles. L’illusion n’est pas de mise, au contraire, et c’est là l’une des sources de la joie que procure ce Mariage forcé. Hautement baroques, composées de choses et d’autres, parmi lesquelles des vêtements enfilés à l’envers et de nombreuses prothèses, les êtres qui peuplent cette comédie affirment à chaque pas leur caractère artificiel, leur nature purement théâtrale. En suscitant le rire autant que l’effroi, ces clowns bizarres, en mutation constante, aiguisent puissamment Molière et le temps présent, en un même mouvement.
Anaïs Heluin
le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h30, dimanche à 15h. Tel : 01 44 58 15 15. Durée : 1h.
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