La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Love and money

Love and money - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Pulsion de jouissance à l’œuvre dans Love and Money. CR : Franck Beloncle

Théâtre du Rond-Point / de Dennis Kelly / mes Blandine Savetier

Publié le 24 février 2014 - N° 218

Critique acerbe de l’argent roi, d’une société où la pulsion de jouissance s’accomplit dans la consommation compulsive, Love and Money divise.

On est partagé au sortir de Love and Money. D’un côté l’écriture de Dennis Kelly est résolument contemporaine, de l’autre elle paraît déjà datée fin de siècle. D’un côté sa critique des travers contemporains est salvatrice, de l’autre elle paraît ressasser ce que l’on sait depuis un moment maintenant. D’un côté l’histoire s’échappe parfois dans l’extravagance, de l’autre elle s’ancre aussi dans un didactisme trop appuyé. Et l’on pourrait multiplier à l’envi ces lignes de partage. D’autant que la mise en scène de Blandine Savetier choisit de servir respectueusement le texte, avec une ingénieuse scénographie qui nous inscrit dans un monde des nouvelles technologies, d’une ville-corps dont les artères fourmillent autant de sang que d’Audi 100. Une mise en scène douée du souci visible de laisser le texte respirer mais aussi les acteurs jouer.  Mention spéciale dans ce domaine à Irina Solano, avec ses faux-airs à la Carole Bouquet, tout en métamorphoses et en ruptures. Bémol cependant sur une interprétation qui balance entre naturalisme et théâtralité burlesque,  circule d’un registre à l’autre, change agréablement de couleurs, mais peine ainsi à installer ses codes et son tempo.

Esthétique trash

La pièce de Dennis Kelly déroule sept scènes autour du couple londonien de David et Jess, en commençant par la fin de leur histoire : comme une Bovary, Jess croule sous les dettes et tente de se suicider. Mais quand David la découvre, plutôt que d’appeler une ambulance pour la sauver, il l’achève à coups de vodka en pensant à la voiture qu’il va ainsi pouvoir s’acheter. Nous sommes bien dans l’esthétique trash des années 90 de ces jeunes urbains devenant cyniques et dépravés au contact de la société. Au départ, d’ailleurs, David voulait écrire. Il a étudié les lettres mais s’est retrouvé pris dans l’engrenage du travail-que-tu-fais-que-pour-l’argent pour aider Jess à payer les dettes qu’entraîne sa consommation frénétique – pour laquelle elle sera quand même hospitalisée en psychiatrie. Dans le registre de l’explicite, Kelly force donc le trait, soigne le symbolique plus que le vraisemblable, quand une scène annexe, entre Paul et Debbie – scène qui à elle seule vaut vraiment le détour – bascule dans un ailleurs alternatif beaucoup plus abouti. Dans l’ensemble, la charge de Kelly sur ce système fonctionnant sur l’endettement est tout de même percutante. Et l’on ne boudera pas non plus son plaisir d’y voir signifié combien il est désormais difficile de faire corps avec le réel, et avec autrui, immergé dans la vitesse, le virtuel, le morcellement d’un monde matérialiste et connecté. L’univers de Kelly recèle une profonde force métaphorique. On sort donc partagé, et aussi conscient combien des autres on se sépare.

Eric Demey

A propos de l'événement

Love and money
du jeudi 6 mars 2014 au samedi 6 avril 2013
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

Du 6 mars au 6 avril à 21h, le dimanche à 15h. Relâche les lundis et les 11 et 12 mars. Tél : 01 44 95 98 21. Durée : 2 h. Spectacle vu au TNS à Strasbourg.

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