La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Trois Sœurs

Les Trois Sœurs - Critique sortie Théâtre
Crédit : Christophe Raynaud de Lage Légende : « Les Trois sœurs unies par le rêve de vivre à Moscou . »

Publié le 10 juin 2010

Alain Françon monte Les Trois Sœurs en s’inspirant de la création de Stanislavski au Théâtre d’Art de Moscou. La lecture de l’œuvre souffre d’une esthétique compassée propre à l’approche muséale.

Dans l’indifférence à un présent insatisfaisant, les personnages de Tchékhov éprouvent un respect intense pour la mémoire et le souvenir du passé, des substances auréolées de gloire et de lumière à la façon d’un paradis perdu. De même, l’anticipation projetée du monde dans un avenir lointain se révèle un objet infini de discussion joyeuse. En réalité, le temps qui passe ou la vie médiocre perdue est un fil nostalgique récurrent, à la fois visible et implicite,sur le métier à tisser des pièces de Tchékhov, dont les délicates Trois Soeurs. Les jeunes femmes Olga, Macha et Irina ont quitté Moscou depuis longtemps mais elles se souviennent de leur Ville russe. La bourgade perdue où elles vivent recluses aujourd’hui génère leur mépris. Olga enseigne au lycée, Macha est mal mariée et la jeune Irina, enthousiaste, rêve de travailler pour construire l’avenir. On fête l’anniversaire d’Irina dans une masse éblouissante de lumière et de fleurs. Une batterie d’officiers venue s’installer dans la ville provinciale réveille les désirs endormis, les promesses feutrées et les songes cachés. Ainsi, la mélancolique Macha se prend à aimer le lieutenant-colonel Verchinine, ouvert au débat d’idées, tandis qu’Irina est courtisée par le lieutenant philosophe Touzenbach, désireux de quitter l’armée pour « travailler ».
 
Le rêve de Moscou achoppe
 
Or, le destin fixe ses lois inattendues et le rêve de Moscou achoppe lors de l’incendie de la bourgade. Les sœurs chassées par leur belle-sœur intéressée, petite-bourgeoise pragmatique, sont dépossédées de leur maison hypothéquée par leur frère joueur. La garnison quitte aussi les lieux. Y aurait-il une planche de salut entre se demander pourquoi l’on vit et penser que tout n’est que du vent ? Dans les décombres, Olga répète que leurs souffrances se changeront en joies pour les générations suivantes :« Nous vivrons ! La musique est si gaie, si joyeuse ; encore un peu, on croirait savoir pourquoi l’on vit, pourquoi l’on souffre… Si l’on pouvait savoir ! » Florence Viala, Elsa Lepoivre et Georgia Scalliet sont Trois Sœurs authentiquement belles ; Laurent Stocker (Touzenbach) et Michel Vuillermoz (Verchinine) sont convaincants. La mise en scène d’Alain Françon, auteur d’une Cerisaie radieuse, est réglée rigoureusement sans laisser à l’œuvre la respiration qui puisse la soulever à l’amble de nos années 2010. Le décor somptueux mais étouffant plombe la fresque d’époque ; les costumes militaires colorés brillent comme un sou neuf. Mais l’ensemble demeure bien morne.
 
Véronique Hotte


Les Trois Sœurs, de Tchékhov, traduction d’André Markowicz et Françoise Morvan ; mise en scène d’Alain Françon. Du 22 mai au 16 juillet 2010, en matinée à 14h et soirée à 20h30. La Comédie Française place Colette 75001 Paris. Réservations : 0825 10 16 80 (0,15 euro la minute), www.comedie-francaise.fr Durée du spectacle : 3h

A propos de l'événement


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