Dieudonné Niangouna fouille les plaies de sa mémoire ensanglantée. Une violence guerrière qui frappe en pleine tête.
Comment dire la morsure de la guerre, la puanteur écrasante des cadavres, l’irréel trop réel de la haine déchaînée… transmettre à ceux qui ne l’ont pas vécu dans leur chair, dans leur être ? Comment dire sinon en expulsant les maux écorchés par la colère ? Et pourquoi dire ? Auteur, metteur en scène et acteur congolais, Dieudonné Niangouna raconte l’Afrique, son Afrique, noire de sangs. Le texte débite à grosses tranches les horreurs d’une vie broyée par les conflits, les exactions, les humiliations, la barbarie. Journal intime d’une traversée sans retour au plus sombre de l’humain… Souvenirs, tatoués à même le cerveau, des guerres civiles de 1993, 1997 et 1998, au Congo, quand les « Cobras » et les « Nindjas », deux milices rivales, s’affrontaient. Dieudonné Niangouna fraye à travers les villes, les villages, les forêts. Il gratte ses plaies, gratte, gratte. Et déverse les mots, par flots, par saccades, par jets. La souffrance au plus cru, juste émaillée d’accroche-cœurs poétiques. Le récit se dissout sous l’acide violence. Reste la douleur, brute, hargneuse, balancée en pleine tête, donnée en pâture pour rassasier les pleureuses.
Exorciser le vécu de l’horreur
Car manque ce qui aiguiserait le témoignage : la force d’une écriture qui condense la fureur, qui pourrait apporter consolation sans se complaire dans la description de la sauvagerie, qui forcément suscite, excite, la compassion du bien loti. Ou peut-être est-ce parce que Dieudonné Niangouna ne parvient pas à faire vivre sa langue embroussaillée sur scène et s’égare dans l’immensité du plateau nu. Il berce sa plainte rageuse d’un rythme monotone, nous sème dans les bifurcations et les ellipses de son soliloque, se noie sous la déferlante des paroles, des atrocités. Heureusement, il y a le souffle de l’accordéon de Pascal Contet, qui susurre, qui dit le désarroi face à l’innommable.
Les inepties volantes, texte, mise en scène et interprétation de Dieudonné Niangouna, musique de Pascal Contet, les 11 et 12 février à 19h30, à la Mac Créteil, place Salvador Allende, 94000 Créteil. Rens. 01 45 13 19 19 et www.maccreteil.com. Retour gratuit en navette assuré en soirée jusqu’à la place de la Bastille, dans la limite des places disponibles. Puis en tournée, notamment les 19 et 20 mars 2010, au Théâtre 71, à Malakoff. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2009. Durée : 1h30.