La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Démons

Les Démons - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier
Les Démons © DR Compagnie

Théâtre de l'Odéon – Ateliers Berthier / D'après Fédor Dostoïevski / Mes Sylvain Creuzevault

Publié le 26 septembre 2018 - N° 269

Avec Les Démons, Sylvain Creuzevault propose une adaptation (trop) intense du roman de Dostoïevski.

Qui a traversé la lecture des romans de Dostoïevski sait la patience qu’il faut pour s’y retrouver à travers les intrigues multiples et les personnages aux noms démultipliés. Les Démons étant de surcroît l’un des récits les plus complexes du romancier russe. « Ne paniquez pas sur les noms, ça va venir. » rassure-t-on le spectateur lors de l’entame tonitruante du spectacle de Sylvain Creuzevault. Jusqu’ici, tout va bien, en effet. Dans « le Club », on rigole beaucoup, on boit du champagne, Stepane, le précepteur aux idées libérales, pérore mais se révèle déjà dépassé, et les premières tensions entre les personnages apparaissent à travers vieilles rancœurs et conflits cachés. Adepte d’un théâtre qui fouille et questionne ses textes références et se les réapproprie à coups d’improvisations, Sylvain Creuzevault a organisé un joyeux bazar où des spectateurs se mêlent aux comédiens sur une scène où l’on trouve des cloches cassées, d’immenses piliers métalliques, des cloisons vues par la tranche, des icônes dorées…

Torrents théoriques et passionnels

Autour de lui, Sylvain Creuzevault a réuni une troupe d’excellents acteurs. Valérie Dréville et Nicolas Bouchaud pour les plus connus, mais aussi ses fidèles rompus à un jeu tout en fragilité du présent, tout en intensité de présence, où jamais ça ne ronronne, sans cesse au bord de déborder. Creuzevault a conçu son adaptation du roman fleuve en deux parties. La première centrée sur Nikolaï Stavroguine, jeune dandy débauché en quête de sens. La seconde sur Piotr Verkhovenski, démon de pacotille. On y parle religion bien sûr, action politique aussi, théories révolutionnaires et désir de tuer le père, tous thèmes récurrents chez Dostoïevski, de cette époque où Dieu est mort, Nietzsche et le nihilisme sont en marche, et le tsar pas loin d’y passer. Creuzevault mêle Dostoïevski et Adorno, le tsar et la Crimée, le nationalisme d’hier et ses résurgences d’aujourd’hui pour subtilement souligner la rémanence des questionnements soulevés. Le débat théorique subordonne donc l’action dramatique dans un rythme dialectique qui interdit tout didactisme. Les théories sont passées au moulin du réel, les propos les plus définitifs systématiquement remis en cause, les actions les plus graves détournées en bouffonnerie. Le sens ne s’imprime jamais définitivement, à l’image de ce graff en perpétuelle évolution : « Dieu est moi », « Dieu est mou », « Dieu est mort ». A force de suivre les rebondissements du sens cependant, le spectateur s’y perd et croule sous les torrents théoriques et passionnels qui traversent les personnages. On retient l’intensité de l’interprétation, bien sûr, un chaos énergique, drôle et noir qui nous laisse un peu sonnés.

Eric Demey

A propos de l'événement

Les Démons
du vendredi 21 septembre 2018 au dimanche 21 octobre 2018
Théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier
1 rue André Suarès, 75017 Paris

du mardi au samedi à 19h30, le dimanche à 15h. Tel : 01 44 85 40 40. Durée : 3h45. Egalement au TnBA à Bordeaux du 7 au 16 novembre, au Parvis à Tarbes le 21, au Grand Théâtre de lorient les 5 et 6 décembre, au CDN de Besançon du 11 au 14, à l'Estive à Foix le 10 janvier, à la Scène Nationale d'AUbusson le 22, au TAP à Poitiers les 6 et 7 février, au Théâtre des Louvrais à Pontoiseles 12 et 13, au Théâtre de la Cité à Toulouse du 14 au 17 mai, à la Criée à Marseille du 5 au 7 juin.

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