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Un mois très relevé au « 7/9 ».
Il est peut-être le musicien le plus aventureux de la riche scène des violonistes français, et pourtant l’un des plus discrets et secrets. Régis Huby présente à Jazz sous les Pommiers et à Berlin « Equal Crossing », création réunissant Marc Ducret (guitares), Bruno Angelini (piano, Fender Rhodes et électroniques) et Michele Rabbia (percussions électroniques) dans « un endroit d’équilibre et d’égalité »…
Quel sens voulez-vous donner au titre « Equal Crossing » de ce nouveau projet
Régis Huby : Le titre comporte évidemment l’idée d’un croisement égal entre une musique acoustique et électrique, une musique écrite et improvisée. Mais il s’agit plutôt d’une métaphore, je parle ici davantage d’un rêve, d’une image, dans un sens plus large. Je vise plutôt ici un endroit d’équilibre, d’égalité. Un rêve ou l’on ne parle plus de croissance, de rentabilité, de compétitivité, mais plutôt d’échange, de dialogue, d’écoute, d’une autre forme d’enrichissement me paraissant tellement malmenée dans notre société actuelle. Une traversée où l’on se retrouverait en ayant fait un chemin égal, les uns vers les autres. Un chemin de respect des différences, à l’heure où des extrémismes montent en puissance à travers le monde, où les sentiments d’impuissance, d’injustice et d’incompréhension sont exacerbés, où des groupes se renferment dans leur « vérité » ou leur culture, où une infime partie de la population contrôle les richesses et décide pour la majorité. La musique est une chose fragile, et elle m’intéresse lorsque j’y trouve ce chemin de l’autre, lorsqu’on y est à la recherche de ce point de rencontre.
« Une traversée où l’on se retrouverait en ayant fait un chemin égal, les uns vers les autres. »
Ce projet se présente comme une « musique de chambre électro-acoustique »…
R.H. : La notion de musique de chambre implique pour moi l’idée d’un petit ensemble instrumental où chacun est soliste et élément d’un tout. Ce quartet fonctionne comme un petit ensemble de chambre où chaque individu s’exprime à travers sa sensibilité et sa personnalité au service d’un propos musical commun. J’aime lorsque dans un projet, les musiciens ne se retrouvent pas uniquement dans une fonction d’instrumentiste. Je connais chacun de ces musiciens depuis de nombreuses années, nous étions déjà amis, mais nous n’avions pour la plupart jamais réellement travaillé ensemble. Je retrouve chez chacun d’entre eux cette envie de rencontre, d’écoute de l’autre et la recherche du sens dans le geste musical !
Etre « Violoniste et improvisateur français » installe d’emblée dans une tradition forte (Grappelli, Ponty, Pifarély, etc…). Comment gérez-vous cet « héritage » ?
R.H. : Etant violoniste, lorsque j’ai découvert le jazz, j’ai bien évidemment écouté toutes ces références majeures, mais j’ai tout autant, voir plus, écouté des guitaristes, des pianistes, des saxophonistes … En ce qui concerne le violon, la rencontre déterminante pour moi a été Dominique Pifarély. La question importante pour tout instrumentiste est plutôt de trouver son langage, sa propre intimité avec son instrument, au-delà d’un héritage. Je peux trouver une personne habile, voir très forte techniquement, mais la magie apparaît lorsque j’entends l’individu derrière l’instrument, et ce, quel que soit l’instrument !
Propos recueillis par Jean-Luc Caradec
Tél. : 02 33 76 78 50.
Festival Jazzdor de Berlin. Jeudi 4 juin à 20 h. www.jazzdor-strasbourg-berlin.eu
Un mois très relevé au « 7/9 ».