La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 Entretien Pascal Brunet

LE SECTEUR CULTUREL EUROPEEN EST ENCORE A CONSTRUIRE

LE SECTEUR CULTUREL EUROPEEN EST ENCORE A CONSTRUIRE - Critique sortie Avignon / 2013 Avignon
Pascal Brunet

Publié le 26 juin 2013 - N° 211

L’Europe offre un cadre supranational propice à de nouvelles initiatives. Le secteur culturel paraît cependant avoir bien du mal à prendre la mesure de cet espace et de ses enjeux.  Entretien avec Pascal Brunet, directeur de Relais culture Europe, organisme missionné pour accompagner les acteurs culturels français sur les problématiques, enjeux et projets liant la culture et l’Europe .

« Le spectacle vivant reste très national, à la différence du design, de l’architecture ou du Web. »

Les acteurs culturels français ont-ils pris le réflexe de l’Europe ?

Pascal Brunet : Certains y voient une Europe guichet, source de nouveaux financements. Certains développent une vision de ce qu’il y a à faire ensemble. D’autres ne font rien. De manière générale, l’intérêt pour l’Europe est souvent financier mais il y a une grande incompréhension sur ce qu’il faudrait y réaliser d’un point de vue culturel.

C’est-à-dire ?

P.B. : Il faut se demander en quoi la construction européenne concerne la culture. Il faut se demander ce que c’est qu’être européen dans ce monde. Jusqu’à maintenant, le secteur culturel n’a pas été très présent dans la construction communautaire. Soit qu’il a été marginalisé, soit qu’il s’est lui-même marginalisé. Sur la question du marché, le secteur culturel français n’arrive pas à parler. Et dans les pratiques, on constate une incapacité à penser la dimension continentale de l’Europe. Par exemple à travailler avec les nouveaux arrivants d’Europe de l’Est notamment.

Quels sont les chantiers à développer concrètement ?

P.B. : La question qui se pose est la suivante : comment garder la capacité à soutenir la création artistique ? Pour le spectacle vivant, cela impose de repenser la relation des scènes au public.  Je pense par exemple au projet d’Arte pour prolonger la scène par le Web. Il faut aussi développer une vraie européanisation dans les productions. Regrouper des théâtres autour de projets européens par exemple, en créant des structures pérennes de production. Mais les enjeux sont aussi à relever sur le fond, du côté de la citoyenneté, des enjeux de mémoire commune ou en lien avec les cultures minoritaires.

L’Europe vous paraît-elle elle-même promouvoir ces enjeux ?

P.B. : Aujourd’hui, il n’y a pas eu de mouvement d’ensemble sur la culture comme il y a pu en avoir sur l’environnement par exemple. Pourtant, on entend dire que la créativité, l’inventivité, la mémoire seront centrales dans l’Europe de demain. Mais le secteur culturel continue à ne pas apparaître. Il faut que les acteurs culturels – les artistes le font déjà – se tournent vers les enjeux de société. S’ouvrir, s’ouvrir, s’ouvrir, dans une période de crise, le secteur culturel doit montrer l’exemple.

Quels sont dans cette optique les défis à relever pour le spectacle vivant ?

P.B. : Des théâtres qui travaillent en commun autour des langues ou du climat, il y en a, mais ce n’est pas la norme. Le spectacle vivant reste très national, à la différence du design, de l’architecture ou du Web. On entend souvent dire que l’ancrage local du théâtre rend les choses plus difficiles. Mais il faut se rendre compte qu’en France, ça cogne moins sur la culture qu’ailleurs en Europe. En fait, une psychologie étrange habite ce milieu, qui surestime sans cesse ses faiblesses et se félicite de ses atouts sans les utiliser. Et aujourd’hui le spectacle vivant a tendance à vouloir simplement transformer  l’Europe en un bocal plus grand que le bocal national.

Que devrait-il faire par exemple ?

P.B. : Prenons l’exemple de la langue. On parle français dans beaucoup de pays dans le monde, ce qui constitue une opportunité énorme pour diffuser le théâtre sur le Web, en articulant francophonie et Europe. Seulement on travaille très peu sur le multilinguisme au théâtre.  Dans les salles, on commence à peine à être content de voir du théâtre allemand en allemand. Et les lieux comme les compagnies ne se saisissent que très peu de cet enjeu. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison que le théâtre français soit davantage représenté ailleurs.

Propos recueillis par Eric Demey

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