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Théâtre - Entretien

« Le Roi Lear » : Mathieu Coblentz livre une version épique et contemporaine de la tragédie shakespearienne

« Le Roi Lear »  : Mathieu Coblentz livre une version épique et contemporaine de la tragédie shakespearienne - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Soleil
Portrait Mathieu Coblentz © DR

Théâtre du Soleil / texte de William Shakespeare / mise en scène de Mathieu Coblentz

Publié le 22 septembre 2025 - N° 336

Mathieu Coblentz livre une version épique et contemporaine de la tragédie shakespearienne : splendeurs baroques et cabaret glam rock servent la fascinante épopée de l’orgueil de Lear.

Pourquoi Lear ?

Mathieu Coblentz : Parce que c’est le maître, et qu’on revient au maître quand on va chez Shakespeare ! Ce projet, ma quatrième mise en scène, est né rapidement après l’arrêt de Fahrenheit 451, dont on nous a brutalement retiré les droits. Avec sept acteurs disponibles et quatre semaines déjà prévues au Théâtre du Soleil, il était impossible d’aller sur cette scène avec autre chose qu’une présence ambitieuse au plateau. Le Roi Lear est une des pièces les plus fortes du répertoire : je l’ai choisie pour y consumer l’énergie incandescente qui nous habitait. J’ai décidé d’adapter et de retraduire le texte pour être le plus libre possible. La suppression de certains personnages, notamment les maris des trois sœurs, change la présence des femmes, qui deviennent puissantes. C’est une pièce sur l’intimité des familles, qui commence parce qu’un père monstrueux considère que ses filles sont sa propriété. Il pose la question qui ouvre l’enfer de la pièce, et la plus sincère de ses filles est maudite pour lui avoir dit qu’elle l’aimait mais n’aimait pas que lui. Tout commence avec l’effondrement du pouvoir absolu : cette pièce est à un endroit de bascule.

« Ce n’est pas l’histoire d’un roi qui devient fou mais celle d’un fou qui se défait de sa folie pour s’approcher de l’autre. »

Quelle bascule ?

MC. : Celle du monde ancien dans lequel les ciels ne bougeaient pas et qu’ordonnaient les pères et les rois. Du rien, du silence de Cordélia nait le doute, la remise en question de ce monde antique et le passage vers le monde moderne, celui des filles, où la relativité existe. Il est intéressant de revenir à Shakespeare pour faire écho à l’époque de bascule que nous traversons aujourd’hui. Puissante et vulgaire, pleine de joie et de larmes, cette pièce est une matière théâtrale merveilleuse, qui réenchante le regard du spectateur. Ce n’est pas l’histoire d’un roi qui devient fou mais celle d’un fou qui se défait de sa folie pour s’approcher de l’autre, du misérable, du mendiant, dans un chemin d’éveil et de rédemption par l’empathie absolue : un parcours très hugolien, pourrait-on dire. Emmanuel Suarez a retraduit le texte en le clarifiant sans le simplifier, pour qu’il soit compréhensible par tout le monde, des enfants aux plus savants.

Comment s’organise le plateau ?

MC. : Grâce aux sept interprètes, tous musiciens, chanteurs et comédiens. La scénographie et les lumières de Vincent Lefèvre créent un espace à la fois simple et monumental, dont les hauteurs clarifient les hiérarchies et les relations. Au centre, autour d’un castelet au milieu d’un palais immense, une terre noire évoque la lande et accueille la succession des morts de la tragédie finale. Nous cherchons l’émerveillement en prenant soin des oreilles et des yeux des spectateurs. Patrick Cavallié, costumier merveilleux, mêle tartans et fourrure ; les épées côtoient les pistolets : on est comme dans un temps parallèle, sans identification réaliste, dans une fable au chatoiement gourmand, glam rock. Comme une sorte de cabaret baroque interrogeant les affres de la domination et de l’emprise, de la démence et de la vieillesse.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Le Roi Lear
du jeudi 23 octobre 2025 au samedi 15 novembre 2025
Théâtre du Soleil
Cartoucherie, 75012 Paris

Du mercredi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Tél. : 01 43 74 24 08.

Tournée : 29 novembre au Centre culturel Athéna, Auray (56) ; 2 décembre à L’Archipel - Pôle d’action culturelle Fouesnant-les-Glénan (29) ; les 4 et 5 décembre au Théâtre du Pays de Morlaix (29) ; le 22 janvier 2026 à l’Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge (91) ; le 29 janvier à l’Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand (93) ; les 2 et 3 février au Théâtre du Champ au Roy, Guingamp (22) ; le 5 février 2026 au Quai 9, Lanester (56) ; le 10 février au Centre culturel Fougères Agglomération (35) ; le 12 février au Théâtre de l’Arche, Tréguier (22) ; les 12 et 13 mars 2026 au Théâtres de Saint-Malo (35) ; du 5 au 7 mai à La maison du théâtre et au Quartz-scène nationale, Brest (29).

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