La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Mystère du bouquet de roses

Le Mystère du bouquet de roses - Critique sortie Théâtre
Crédit : Sophie Elmosnino Légende : « Un duo doux-amer entre la patiente et son infirmière. »

Publié le 10 mars 2010

Gilberte Tsaï offre au public Le Mystère du bouquet de roses de l’Argentin Manuel Puig. Une pièce radieuse au suspens subtil, servie dans l’élégance de Christiane Cohendy et de Sylvie Debrun.

Gilberte Tsaï crée Le Mystère du bouquet de roses du romancier argentin Manuel Puig, une œuvre dont l’univers glamour relève des feuilletons et du cinéma populaire avec parodie et mélo. Sur le plateau, une chambre de clinique immaculée d’un blanc glacé, tel un repaire de luxe pour dame esseulée dont la dépression suit la disparition d’un petit-fils tendrement aimé. Christiane Cohendy dont le rôle est magnifique d’ambiguïté, est un monstre à la fois d’égoïsme et d’humanité. Douleur, solitude et rejet brutal du monde d’un côté, tendresse et attention portées sur les êtres en souffrance, de l’autre. À l’intérieur de la chambre d’hôpital, les fondements moraux de la patiente crispée dans le rejet de ses semblables s’ébranlent peu à peu. La métamorphose bourgeoise tient à la présence d’une infirmière à la personnalité bien frappée, aussi intravertie que sa maîtresse est extravertie. L’excellente Sylvie Debrun en gouvernante rigide est apparemment humble dans ses prévenances.
 
Des moments enfouis reviennent au présent
 
En fait, l’employée regorge de rêves inassouvis, d’espoirs intimes arrêtés, de désirs frustrés ou mort-nés, habitée par les ombres d’elle-même en mal d’accomplissement. Maîtresse ou soubrette, la figure féminine est représentée à la façon des Bonnes de Genet, dans la proximité profuse d’un imaginaire foisonnant de rêves et de songes, la propension innée à inventer un univers lesté de ses déceptions. À l’origine de la chaîne déroulée sur laquelle prend appui la fiction jouée, s’immisce sur le plateau le passé des deux femmes à travers des scènes initiatiques vécues en compagnie des disparus – mère, sœur, père, amant. Des moments enfouis reviennent au présent de la vie et du théâtre dans une intensité d’ombre et de lumière. Les murs de la scénographie dédoublée de Laurent Peduzzi s’ouvrent pour laisser passer les figures aimées, mystérieuses et cachées, révélées enfin dès que se rejoue l’Histoire de chacune. Dans la douleur des attentes contrariées, le poids du présent s’impose, lourd des regrets chagrins de ne pas avoir été une femme libre pour l’une – aliénée à son foyer, ou de ne pas avoir fait d’études pour l’autre – plus modeste. Seul le désir reste entier, force et arme de vie. Un joli fragment d’existence suspendue.
 
Véronique Hotte


Le Mystère du bouquet de roses de Manuel Puig ; traduction Gilberte Tsaï avec la collaboration d’Albert Bensoussan, mise en scène de Gilberte Tsaï. Du 15 mars au 15 avril 2010. Le lundi, vendredi et samedi à 20h30, mardi et jeudi à 19h30. Relâche mercredi et dimanche sauf le 31 mars à 20h30 et le 11 avril à 17h. Relâche exceptionnelle du 2 avril au 5 avril. Nouveau Théâtre de Montreuil, 10, place Jean Jaurès, 93100 Montreuil. Réservations : 01 48 70 48 90.

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre