La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Le Legs / Les Acteurs de bonne foi

Le Legs / Les Acteurs de bonne foi - Critique sortie Théâtre
Crédit : Julien Piffaut Légende : « Trois merveilleux comédiens travestis dans Les Acteurs de bonne foi. »

Publié le 10 février 2010

Avec Le legs à la tonalité sombre et Les Acteurs de bonne foi plus ludique, David Géry privilégie un Marivaux dont la Carte du Tendre est bousculée par l’intérêt, asservie davantage au contrat financier du mariage qu’à l’amour.

Le Legs « démythifie » le marivaudage puisque les ruses inavouées du cœur et de l’esprit ne visent dans la pièce qu’à satisfaire les intérêts matériels. Le Marquis hérite six cent mille francs d’un parent, à condition d’épouser Hortense ; s’il ne l’épouse pas, il devra donner à la jeune fille deux cent mille francs prélevés sur le legs. Mais il n’aime pas Hortense, il aime la Comtesse à laquelle il n’ose pas avouer son amour et Hortense aime le Chevalier auquel elle voudrait bien apporter en dot les deux cent mille francs du legs. Près de la Comtesse, se tient la suivante, une Lisette aigre-douce (Éléonore Jonquez-Simon) qui sert les intérêts de sa maîtresse et les siens propres comme une fondée de pouvoir. Près du Marquis, veille le valet de chambre L’Épine (Philippe Fretun en maraud clean) qui en pince pour Lisette. Comment se marier d’amour et conserver son bien ? Les considérations d’intérêt cachent les atermoiements du coeur. L’indécis Marquis diffère ses aveux tandis que la Comtesse ne se déclare pas par décence. Un plateau incliné figurant un tapis vert, une table de baccara avec la banque vue de haut sous le travelling d’un projecteur, des chaises de bistrot, David Géry imagine un décor éloquent de jeu de poker menteur pour mettre en scène les ruses et les violences morales, forçant chacun à une lecture plus pointue de l’âme. Tout se joue dans l’excellence du calcul et la méditation des coups.
 
Du théâtre dans le théâtre pour démasquer la dissimulation des sentiments.
 
Daniel Martin, le timide Marquis, va et vient sciemment entre ironie et émotion. Marie Matheron en Comtesse est une fine mouche. Ce Legs kafkaïen sonde la conscience jusqu’au vertige. Quant aux Acteurs de bonne foi, la comédie s’amuse du théâtre dans le théâtre pour démasquer la dissimulation des sentiments et la mystification. Afin de remercier sa tante généreuse, Éraste qui va épouser Angélique demande à son valet Merlin (Kevin Lelannier, vif) de donner une comédie. Merlin imagine une intrigue où « parlera » la nature. Amoureux de Lisette (boudeuse Julie-Anne Roth) dans la vie, il aimera Colette sur scène, la fille du jardinier. Mais ce jeu de dupes ne plaît pas aux partenaires respectifs. Blaise (Donatien Guillot en benêt de farce), amoureux de Colette, estime que les acteurs improvisés « font semblant de faire semblant », un aveu de vérité dans l’innocence cruelle. La comédie amère se joue chez les paysans comme chez les maîtres. La campagne est stylisée, avec un ruisseau où l’on plonge les pieds et se rafraîchit les mains dans un bien-être estival. La gaieté festive et rustique va jusqu’à travestir galamment Geoffrey Carey, Philippe Fretun et Daniel Martin en dames fort dignes, justes et pudiques. Humour et réussite.
 
Véronique Hotte


Le Legs / Les Acteurs de bonne foi de Marivaux, mise en scène de David Géry. Du 9 au 21 février 2010. Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h. Le Théâtre de l’Ouest Parisien 1, place Bernard-Palissy 92100 – Boulogne-Billancourt. Réservations : 01 46 03 60 44. Spectacle vu à L’Espace des Arts, Scène nationale de Châlon-sur-Saône. Également, le 4 février 2010 à la Scène nationale de Mâcon, du 9 au 12 mars à la Scène nationale de Sénart, du 4 au 6 mai à L’Espace Malraux, Scène nationale de Chambéry et les 11 et 12 mai à L’Agora, Scène nationale d’Évry et de l’Essonne.

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